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Perfect sense,
       2011, 
 
de : David  Mackenzie, 
 
  avec : EwanMcGregor, Eva Green, Connie Nielsen, Caroline Paterson, Stephen Dillane, Denis Lawson,
 
Musique : Max Richter

  
   
Ne pas lire avant d'avoir vu le film...

  Susan (Eva Green) est épidémiologiste à Glasgow. Elle fait un jour la connaissance d'un chef cuisinier, Michael (Ewan McGregor). Ils deviennent amants. Mais bientôt, une étrange épidémie frappe. Les gens perdent progressivement l'odorat. Quelque temps après, c'est au tour du goût de disparaître... 
 
   C'est une étrange et insolite fable de science fiction qui se déroule sous les yeux du spectateur. Si l'on excepte quelques scènes de rage et de guérilla urbaine qui précèdent et scandent la perte d'un des cinq sens, le récit choisit l'intimisme et l'absence totale de spectaculaire pour développer son intrigue. C'est une voix off féminine qui, ponctuellement, commente les événements, jusqu'à la scène finale, obscure pour cause de cécité, et, de ce fait, poignante, lors d'une ultime scène d'amour dont le toucher demeure le dernier capteur sensitif. 
 
   Pourtant, à l'ouverture du film, le propos explicatif fait un peu craindre le pire. Ce sont des évidences, presque des banalités, qui augurent mal d'une future profondeur narrative. Les symptômes physico-psychologiques qui précèdent chacune des pertes sensorielles, laissent également perplexe quant à leur adéquation avec le sens concerné. Si la boulimie extrême qui précède la disparition du goût peut paraître logique, on voit assez difficilement la relation entre le chagrin qui submerge les êtres avant que l'odorat ne se fasse la malle, ou encore celle qui relie la colère rageuse, la haine, la sauvagerie, avec la perte de l'audition. La signification symbolique de ce processus dégénératif émerge cependant à la fin de l'oeuvre, tandis que celui que l'on considère comme le plus important des sens, la vue, s'évanouit à son tour. Alors que l'on pourrait s'attendre à ce que ce soit le désespoir absolu qui envahisse les êtres, c'est au contraire la perception d'une joie incommensurable envers la vie qui se manifeste. Cet étonnant paradoxe se résout aisément lorsqu'on prend connaissance de l'expérience d'éveil vécue par un nombre de plus en plus important de personnes. A savoir que nos sens, toujours davantage prisonniers des stimulis qui nous sont proposés par l'économie et le mode de vie actuel, bloquent la perception de notre réalité intérieure ultime et subtile, la joie sans cause et l'amour inconditionnel. Dire que le film parvient à transcrire cette évidence qui, par définition, ne peut qu'être vécue individuellement, est impossible. Mais l'oeuvre a au moins le mérite de tenter d'objectiver l'inexprimable. C'est osé !
   
Bernard Sellier