Peur primale, film de Gregory Hoblit, commentaire

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Peur primale,
      (Primal fear),      1996, 
 
de : Gregory  Hoblit, 
 
  avec : Richard Gere, Laura Linney, John Mahoney, Frances McDormand, Alfre Woodard, Edward Norton,  
 
Musique : James Newton Howard

   
   
Martin Vail (Richard Gere) est un avocat brillant et très médiatique. L'Archevêque Rushman (Stanley Anderson) vient d'être assassiné de manière horrible à coups de couteau. Un suspect est très rapidement repéré et arrêté. Il s'agit d'un jeune homme apeuré, Aaron Stampler (Edward Norton), couvert du sang appartenant au prélat. Martin se rend immédiatement à sa cellule et, conscient de la notoriété que cette affaire peut lui apporter, propose à l'accusé une défense gratuite. L'accusation est menée par Janet Venable (Laura Linney), ancienne maîtresse de Martin. Ce dernier est persuadé qu'Aaron est innocent. Il le fait examiner par une neuropsychologue, Molly Arrington (Frances Mc Dormand). Tandis que le procès commence, Tommy Goodman (Andre Braugher) poursuit son enquête pour le compte de la défense... 
 
   Les films de procès, habilement agencés, fertiles en rebondissements, ont souvent donné lieu à des oeuvres mémorables : "Douze hommes en colère" ou "Des hommes d'honneur", pour n'en citer que deux. Celui-ci ne démérite aucunement, bien au contraire. Il permet tout d'abord à Richard Gere de prouver qu'il est encore capable d'illuminer certaines réalisations et de ne pas se contenter de figurations dans des productions assez médiocres, comme certains critiques, à juste titre, l'ont souligné. Du personnage de cet avocat a priori cynique, méprisant, mégalo et orgueilleux, il parvient à livrer une composition subtile, complexe et émouvante, grâce, il faut le souligner, à un scénario particulièrement habile. Habitué à jouer habilement de la vérité qu'il tente d'imposer, à se servir des autres, surtout de ses adversaires, pour parvenir à la seule fin qui l'intéresse : gagner, il devient à son tour un objet manipulé et dérisoire. Son aveuglement est tel que, pour écraser la femme qui le déteste, il est prêt à croire ce qui l'arrange. 
 
   Toute cette histoire édifiante illustre clairement et dramatiquement le paradoxe que lance Martin avec arrogance au début du film : "la vérité, c'est celle que je crée chez ces douze hommes et femmes du jury". A partir d'un fait divers simplissime, un meurtre et une mise en accusation, le réalisateur s'enfonce dans les méandres des intérêts égoïstes, dans le jeu des apparences et, surtout dans les profondeurs inconnaissables de l'inconscient. Et si Richard Gere et la délicieuse Laura Linney composent sous nos yeux un combat de fauves, avec justesse et efficacité, l'intérêt primordial jaillit de la performance exceptionnelle d'Edward Norton, qui, pour son premier rôle, démontre l'étendue de son talent. Il est tout aussi difficile d'oublier son regard désespéré de chien battu, que la dernière scène du procès ou la fin du film, qui laisse un goût plus qu'amer. 
 
   Du grand art.
   
Bernard Sellier