Philadelphia, film de Jonathan Demme, commentaire

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Philadelphia,
      1993, 
 
de : Jonathan  Demme, 
 
  avec : Tom Hanks, Denzel Washington, Karen Finlay, Roberta Maxwell, Buzz Kilman, Jason Robards, Antonio Banderas, Mary Steenburgen,
 
Musique : Howard Shore

   
   
Andrew Beckett (Tom Hanks) est un brillant avocat qui travaille pour le cabinet Wyant, Wheeler, de Philadelphie, dirigé par Charles Wheeler (Jason Robarts). Andrew est atteint du Sida. Son état de santé l'oblige à des séjours hospitaliers de plus en plus fréquents. Lors d'une affaire très importante dont il est chargé, son dossier disparaît mystérieusement, pour réapparaître quelques heures avant le procès. Ses employeurs le licencient pour faute professionnelle. Il cherche une aide auprès de nombreux avocats qui refusent. Après beaucoup d'hésitation, l'un d'entre eux accepte. Il s'agit de Joe Miller (Denzel Washington), dont la femme, Lisa (Lisa Summerour) vient d'accoucher. Le procès débute... 
 
   Film poignant sur l'amour de la vie, la tolérance, l'acceptation de l'autre sans jugement ou préjugés, et, bien sûr, magnifié grâce à l'exceptionnelle incarnation par Tom Hanks de cet homme brillant, adulé, qui, déjà condamné à une mort programmée, inéluctable, voit disparaître dans l'abîme son dernier rocher, celui qui le maintenait l'égal de ses frères humains, au-dessus des vagues dévastatrices : son métier d'avocat qu'il aime et dans lequel il excelle. Il serait injuste, d'ailleurs, dans cette louange qui a vu Tom Hanks justement récompensé par un Oscar, d'oublier Denzel Washington et Antonio Banderas, qui personnalisent avec délicatesse et intensité deux faces de l'attitude humaine confrontée à un être différent.  
 
   Tout cela a été dit, écrit, avec justesse. Et pourtant, j'avoue que la vision de cette oeuvre, à l'époque de sa sortie, ne m'avait pas laissé grand souvenir ! J'ignore quelle en était la cause à l'époque. Aujourd'hui, tout en admirant l'intensité de ce drame et en ressentant une profonde compassion pour Andrew, je sens toujours une certaine réserve vis à vis de la réalisation. Comme si une impression sourde d'affectation, d'insistance mélodramatique venait perturber la pureté de ce qui aurait du être livré dans une dignité simple et sublime. Il s'agit là d'une sensation purement subjective, bien entendu. Dans l'absolu, si Jonathan Demme a su avec intelligence éviter l'écueil du film de procès redondant et tapageur, pour donner sa juste place au vécu intérieur du principal personnage, il ne s'est pas dispensé de ce tic agaçant qui semble indissociable des fresques judiciaires américaines : un début agité, en montage haché qui se veut vivant, de situations dans lesquelles se trouvent les protagonistes au commencement de l'histoire ; résultat : on nage dans une espèce de brouillard bruyant dans lequel on se perd, n'ayant jamais entendu parler des personnages dont il est question ! 
 
   Autre sujet de réflexion, les scènes filmées en noir & blanc ou en couleurs de l'enfance d'Andrew apportent-elles vraiment l'émotion intense qu'elles sont supposées véhiculer ? Ce n'est pas tellement mon avis. La brièveté est souvent le plus sûr moyen d'émouvoir et, en ce sens, deux moments magnifiques illuminent cette oeuvre : Andrew et son compagnon Miguel Alvarez (Antonio Banderas) dansant, déguisés en officiers de marine, et, surtout, ce passage magique où Andrew fait écouter à Joe son aria préférée : la "mamma morta" extraite de "André Chénier" de Giordano, dans la sublime interprétation de Maria Callas. Deux séquences courtes, mais d'une beauté suprême.
   
Bernard Sellier