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Le portrait de Dorian Gray,
       (The picture of Dorian Gray),      1945, 
 
de : Albert  Lewin, 
 
  avec : George Sanders, Donna Reed, Hurd Hatfield, Angela Lansbury, Peter Lawford, Lowell Gilmore,
 
Musique : Herbert Stothart, Chopin, Beethoven, Mozart

   
   
1886 à Londres. Lord Henry Wotton (George Sanders) est une richissime oisif, jouisseur, cynique et manipulateur. Il découvre un jour chez l'une de ses relations, le peintre Basil Hallward (Lowell Gilmore) le portrait d'un jeune homme d'une grande beauté. Le modèle ne tarde pas à arriver, pour sa dernière séance de pose. Il s'agit de Dorian Gray (Hurd Hatfield). Henry lui expose ses théories sur le plaisir et la fuite inexorable de la jeunesse. Cette pensée trouble profondément Dorian, qui émet le voeu que jamais la vieillesse et la décrépitude ne l'atteignent. Quelque jours plus tard, il assiste au tour de chant d'une jeune fille, Sibyl Vane (Angela Lansbury), dont il devient amoureux. Il la demande en mariage. Mais Henry lui propose de tester sa droiture... 
 
   Cette oeuvre célèbre d'Oscar Wilde, variation originale sur le mythe de Faust, a finalement assez peu été portée à l'écran. Deux versions récentes viennent de paraître en 2004 et 2006, mais il ne fait pas de doute que celle de 1945 est inoubliable. Bien que la forme soit très classique (narration en voix off faisant le lien entre les grandes phases de l'évolution psychologique du héros), bien que la mise en scène soit sans surprises (excepté peut-être les incursions de la couleur), l'ensemble de l'oeuvre dégage un charme aussi désuet que vénéneux et magnétique. Il faut sans doute en attribuer l'origine à la personnalité diabolique de Lord Henry, cynique, amoral et manipulateur, magistralement incarné par George Sanders, et, bien sûr, au principal protagoniste du drame, le fragile Dorian Gray. Le choix de Hurd Hatfield se révèle particulièrement judicieux. Le visage pur, mais blafard, d'une tournure quasiment androgyne, flegmatique, voire inexpressif, parcourant les âges comme un funambule jouisseur, il donne à son personnage une aura éthérée, mi-séraphique, mi-diabolique, tout à fait impressionnante. On voit dans cette tragédie l'illustration d'une illustre phrase d'Oscar Wilde : " Mes goûts sont simples : je me contente de ce qu'il y a de meilleur ". En elle-même, cette profession de foi est tout à fait constructive. Mais, en l'occurrence, il serait nécessaire d'ajouter à la sentence : "quelles que soient les conséquences sur autrui" ! Ce qui est déjà nettement moins enthousiasmant. Sans en atteindre la perversité cruelle, la philosophie développée par Henry Wotton n'est pas sans évoquer celle du Marquis de Sade. Du genre : l'homme a été créé pour jouir de tout ; les faibles sont au service du plaisir des forts... etc... Les tendres et délicates figures féminines, au premier rang desquelles se place la merveilleuse Donna Reed, que l'on verra, l'année suivante, dans "La vie est belle" de Capra, traversent cet univers cruel avec une grâce diaphane.
   
Bernard Sellier