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Primary colors,
      1997, 
 
de : Mike  Nichols, 
 
  avec : John Travolta, Emma Thompson, Kathy Bates, Billy Bob Thornton, Maura Tierney, Adrian Lester, Paul Guilfoyle, Larry Hagman,
 
Musique : Ry Cooder

 
   
Jack Stanton (John Travolta), gouverneur d'un état du sud, est candidat démocrate aux primaires présidentielles. Henry Burton (Adrian Lester), petit-fils d'un célèbre activiste noir, rejoint son équipe, persuadé qu'il porte un intérêt sincère aux plus démunis. Il fait la connaissance de Susan (Emma Thompson), épouse de Jack, et des fidèles qui l'entourent : Richard Jemmons (Billy Bob Thornton), Daisy Green (Maura Tierney), Howard Ferguson (Paul Guilfoyle)... Devant l'émergence de ragots concernant la vie prétendue dissolue du gouverneur, Susan décide de faire appel à l'une de leurs anciennes collaboratrices, longuement soignée pour troubles psychiques, Libby Holden (Kathy Bates)... 
 
   Plongée dans les souterrains d'une campagne présidentielle. Comme il est facile de le prévoir, il s'agit de souterrains malodorants, remplis de vase, d'immondices, de secrets inavouables. C'est cet univers ténébreux, ambigu, doré à l'estérieur, sordide à l'intérieur, que va découvrir peu à peu Henry, naïf et intègre, qui accorde sa foi juvénile à la personnalité du gouverneur Stanton. Dès la première apparition de celui-ci, incarné par un John Travolta à l'embonpoint confortable, sourire discrètement carnassier et oeil délicatement humide, la donne semble claire. Un pourri de première classe ne tardera pas à remplacer l'homme bien propre sur lui, énonçant brillamment ses propositions démagogiques.  
 
   En fait, les choses ne sont pas aussi simples, et une grande part de l'intérêt du film naît de cette richesse narrative. A la sortie, tous les protagonistes qui briguent le suffrage des électeurs sont renvoyés dos à dos, davantage gris noir que blanc de blanc. Mais leurs bassesses, leurs faiblesses sont finalement plus pitoyables que véritablement haïssables. Jack est un obsédé qui saute sur tous les jupons passant à sa portée (syndrome Monica Levinsky oblige !). Le gouverneur Fred Picker (Larry Hagman) cache un passé peu reluisant... Tout cela fait redescendre ces individualités hautement médiatiques au niveau primaire d'un monsieur tout le monde aux veuleries banales. La carapace de l'idole se lézarde pour mettre à jour une humanité faillible. La conclusion est simple : quel que soit le parti, quelle que soit la qualité de l'homme, le prix à payer pour accéder à la Maison Blanche (ou à toute autre présidence) est lourd ! Personne n'en sera surpris, mais Mike Nichols le souligne avec une habileté et une sensibilité que la première partie de l'oeuvre ne laissait pas soupçonner.  
 
   Si le personnage de Henry, sorte de témoin en cours d'initiation aux arcanes du pouvoir est attachant, malgré son obligatoire effacement, si Emma Thompson est touchante dans l'incarnation de cette épouse meurtrie qui, de manière ambiguë soutient son époux contre vents et marées, c'est finalement Libby qui marque profondément le souvenir. Kathie Bates, toujours exceptionnelle, incarne avec un brio et une fragilité désespérés cette lesbienne dépressive, écartelée entre son admiration pour Stanton et la chute de sa droiture qu'elle voit s'accélérer. Le rythme est un peu lent, certaines séquences sont peut-être étirées plus qu'il ne serait souhaitable, l'ensemble se montre un peu sage, mais cela n'empêche pas cette descente dans les catacombes politiciennes de se révéler passionnante.
   
Bernard Sellier