Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Le prince des marées,
     (The prince of tides),      1991, 
 
de : Barbra  Streisand, 
 
  avec : Barbra Streisand, Nick Nolte, Blythe Danner, Jeroen Krabbé, Kate Nelligan, Melinda Dillon, 
 
Musique : James Newton Howard


   
Depuis la mort de son frère aîné Luke, Tom Wingo (Nick Nolte) déprime. Il a quitté son poste de professeur et le couple qu'il forme avec Sallie (Blythe Danner) bat de l'aile. Il apprend un jour que sa soeur jumelle Savannah (Melinda Dillon), qui habite New-York, a tenté, une nouvelle fois, de se suicider. Il quitte sa Caroline du Sud natale et se rend auprès d'elle. Il fait la connaissance de la psychiatre qu'elle consultait, Susan Lowenstein (Barbra Streisand). Celle-ci souhaite obtenir des détails sur l'enfance difficile de sa patiente. D'abord agressif et réticent, Tom ne tarde pas à se laisser aller à des confidences... 
 
   Commencé dans la douceur romantique des décors de Caroline du Sud, l'histoire, narrée en voix off par Tom lui-même, ne tarde pas à prendre un tour dramatique. La pureté et la beauté de l'enfance ne durent guère. Dès l'arrivée de Tom à New-York, et sa prise de contact pour le moins belliqueuse avec Lowenstein, le spectateur prend conscience que le drame est là, profondément enfoui dans la mémoire collective de cette famille. Pour venir en aide à sa sœur dont il se sent proche, sans doute davantage à cause du vécu commun que de la gémellité, Tom accepte de livrer petit à petit les clés qui permettront de sortir Savannah de son enfermement dépressif. La guerre originelle que livre Tom à la psy se transmue donc progressivement en une confiance délivrante. Un père violent et stupide qui bat femme et enfants et n'est satisfait que lorsqu'on lui sert un bon plat (en l'occurrence la viande du chien !), une mère, Lila (Kate Nelligan), culpabilisatrice, qui se remarie avec un riche et odieux notable du Sud, et, surtout, ce secret traumatisant qui détruit irrémédiablement les personnalités déjà bien malmenées de cette famille. 
 
   Nick Nolte est fort émouvant dans le rôle de cet homme brisé qui oscille entre agressivité et désinvolture simulée, ayant fait le choix, pour parvenir à survivre, de ne plus avoir de mémoire. Le cas de Barbra Streisand, qui assume la double casquette d'actrice et de réalisatrice, est plus délicat. Je n'ai jamais lu le livre de Pat Conroy dont est tiré le film. J'ignore donc totalement si la transcription cinématographique est fidèle dans l'esprit. Ce qui semble évident, au vu de l'oeuvre filmée, c'est qu'une certaine fracture survient à partir du moment où Tom se libère de son secret. L'histoire, jusque là tendue uniquement vers la quête de la délivrance obsessionnelle, vire tout à coup à la romance amoureuse. Si cette orientation ne surprend guère, évidemment, elle suscite néanmoins le désagrément d'affadir la tension qui retombe dès lors au niveau des "que va-t-il se passer ?", "cet amour va-t-il tenir ?", toutes ces interrogations qui font la lie des romances sirupeuses classiques.  
 
   Pour ce qui est de l'incarnation de la psychiatre, ainsi que de la "thérapie" non officielle de Tom, là encore beaucoup serait à dire. Fidèle à son aspect glamour, avec des ongles de cinq centimètres de long, Barbra Streisand est-elle véritablement convaincante dans ce rôle ? Peut-être. C'est un lieu commun facile de considérer les psy comme aussi "atteints" que leurs clients. En revanche, la "libération" miraculeuse et immédiate de Tom grâce à la verbalisation de son vécu est, mille fois hélas, bien discutable. La mise en mots des maux est, certes, indispensable, pour soulager la pression intérieure qui s'accumule dans les "non-dit". Mais la complète harmonie ne peut apparaître que suite à un travail de dégagement souvent difficile, par le moyen de techniques appropriées. 
 
   Il n'en demeure pas moins un beau film, mélancolique, douloureux, parcouru de moments d'une grande sensibilité.
   
Bernard Sellier