Le prix du danger, film de Yves Boisset, commentaire

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Le prix du danger,
       1983, 
 
de : Yves  Boisset, 
 
  avec : Gérard Lanvin, Marie-France Pisier, Bruno Cremer, Michel Piccoli, Andrea Ferreol, Gabrielle Lazure, Catherine Lachens,
 
Musique : Vladimir Cosma

 
   
La chaîne de télévision CTV a inauguré un nouveau jeu de télé réalité qui rencontre un immense succès populaire. Un candidat se voit poursuivi durant quatre heures par cinq tueurs volontaires. S'il en réchappe, il reçoit la coquette somme de un million de dollars. Les trois premiers postulants ont fini au cimetière. Malgré l'opposition de sa compagne, Marianne (Gabrielle Lazure), un jeune chômeur, François Jacquemard (Gérard Lanvin), décide de concourir... 
 
   Yves Boisset a tourné de nombreux films dénonciateurs ("Allons z'enfants", "Le juge Fayard, dit le shériff"...). Il choisit ici les télés réalités, en se montrant dangereusement visionnaire, puisqu'en 1983, les débordements de ces émissions ras la moquette n'en étaient encore qu'à leurs balbutiements. Le pire, c'est que si un jeu semblable n'a pas encore vu le jour, il n'est pas du tout certain que ce ne soit pas le cas demain ou après-demain. Certes, la condamnation du réalisateur ne brode pas dans la dentelle. Les pourris le sont jusqu'à la moelle. Entre un Bruno Cremer adorateur du pouvoir absolu de l'argent et de l'audimat, une Marie-France Pisier dont l'ambiguïté conduit à un dénouement d'un pessimisme radical, un Michel Piccoli grandiose dans le mépris cynique et l'abjection, et un public sanguinaire digne des sauvages qui se régalaient des jeux du cirque voici 2000 ans, on ne sait plus où donner de la nausée. C'est avec une lucidité et une inconscience glaçante qu'Antoine Chirex expose les doubles bienfaits du jeu, à savoir d'une part l'alimentation et le divertissement des pauvres qui se détournent ainsi de leurs revendications, et, d'autre part, la libération exorcisante qu'exerce sur les criminels dormants l'exposition d'une violence extérieure ludique. Une "salubrité publique", déclare-t-il sans sourciller. C'est le top du top du nivellement par le bas. Bien sûr, cela semble excessif. Dans la forme, sans doute. Mais dans le fond ? Tout cela ne rejoint-il pas les assertions que Patrick Le Lay, patron de TF1, avait faites dans son ouvrage "Les dirigeants face au changement". Nous n'en sommes pas encore à l'exécution physique publique de candidats. Mais nous en sommes déjà à l'exécution morale. C'est un beau début... 
 
   Assurément, les décors font leur âge. Mais en ce qui concerne l'accusation et la dramaturgie, l'oeuvre conserve un impact indélébile. Indispensable et tétanisant.
   
Bernard Sellier