Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Réparer les vivants,
        2016, 
 
de : Katell  Quillévéré, 
 
  avec : Tahar Rahim, Dominique Blanc, Emmanuelle Seigner, Anne Dorval, Bouli Lanners, Alice Taglioni, Finnegan Oldfield, Théo Cholbi, 
 
Musique : Alexandre Desplat


   
Ne pas lire avant d'avoir vu le film...

   
Simon (Gabin Verdet), grand adolescent passionné de vélo et de surf, est victime un matin d'un accident de la route. Atteint d'un traumatisme crânien gravissime, il ne survit que grâce à une machine. Se pose alors la question d'un éventuel don d'organe. Mais les parents sont dans une extrême douleur qui les empêche de franchir le pas... 
 
   Même si l'observation est de peu d'importance, il semble opportun de souligner la beauté du titre qui, à elle seule, synthétise tout l'enchevêtrement dramatique qui s'installe dès que le destin de Simon est fixé. Le mot "réparer" couvre toute la mécanique chirurgicale qui va permettre à une femme installée dans le versant descendant de l'existence, Claire Méjean (Anne Dorval, simplement lumineuse), de retrouver une vie normale grâce à la mort d'un jeune qui atteignait à peine la fin de l'adolescence. Mais ce mot peut également être approprié à la guérison des parents de Simon. Alors que la douleur de la perte d'un enfant est un des moments les plus douloureux de l'existence, le don de la survie à un être inconnu peut devenir progressivement un baume sinon réparateur, du moins thérapeutique. Cette "réparation" occupe une place visuellement importante dans le film, puisque les deux opérations seront détaillées, observées presque cliniquement. 
 
   Conjointement à cette réparation tant physique que psychique, le terme "vivants" couvre également un espace double. Celui de Claire, qui, jusque là incapable de tout effort, voit son statut de "vivante" retrouver le plein sens du terme, mais aussi celui de Simon qui, s'il a physiquement quitté le monde terrestre, verra son image, aussi anonyme soit-elle, transfigurée et quasiment vivante dans la mémoire de celle qu'il a sauvé. 
 
   La réalisatrice a choisi de suivre cette transmission avec un détachement empreint de sensibilité qui évite tout pathos. Le destin de ces êtres unis sans le vouloir se révèle poignant, mais cette intensité n'est jamais exacerbée par une quelconque surenchère émotionnelle. Elle naît simplement des événements et de la sobriété avec laquelle ceux-ci sont observés. Dommage tout de même, mais c'est une appréciation bien sûr très subjective, que la musique, qu'elle soit instrumentale ou vocale, se montre aussi peu en adéquation avec le contenu des images et des sentiments.
   
Bernard Sellier