Sambre, série de Marc Herpoux, commentaire

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Sambre,
    Série,    2023,  
 
de : Marc  Herpoux, 
 
  avec : Alix Poisson, Jonathan Turnbull, Louise Orry-Diquéro, Julien Frison, Clémence Poesy, Pasquale D'Inca,
 
Musique : Raf Keunen


 
Ne pas lire avant d'avoir vu la série

 
Novembre 1988. Une jeune coiffeuse, Christine Labot (Alix Poisson) signale à la gendarmerie qu'elle vient d'être victime d'une agression non loin d'un pont sur la Sambre. Elle est reçue par lecapitaine Bernard Breton (Pasquale D'Inca), qui prend sa déposition. Elle tente de reprendre son travail, mais le traumatisme est trop grand... 
 
 C'est dans une simplicité narrative et une sobriété extrêmes que s'ouvre cette courte série inspirée par l'affaire Dino Scala, un violeur qui a sévi en France et en Belgique durant une trentaine d'années. La première victime, Christine, a beau avoir eu 'beaucoup de chance' de sortir vivante de l'agression, comme le lui assène le capitaine, la souffrance est désormais imprimée dans son corps et dans son esprit, lui interdisant progressivement toute relation harmonieuse, que ce soit avec son mari Laurent, agressif et sans empathie, ou avec ses proches. Alix Poisson incarne avec profondeur et viscéralité cette femme à jamais meurtrie et incomprise. La réalisation, en revanche, paraît bien primaire, aussi bien dans son approche visuelle, qui fait très téléfilm basique, que dans les relations humaines ou les dialogues, qui ne font guère preuve de finesse. Il est regrettable que les concepteurs n'aient pas opté pour une patine esthétique en concordance avec la noirceur générale du drame, comme savent si bien le faire les réalisateurs nordiques, au lieu de s'en tenir à une colorimétrie ordinaire, sans cachet particulier.

 Pourtant, au fil des épisodes, on oublie assez vite ces faiblesses, tant le destin brisé de ces innombrables victimes bouleverse au plus haut point. Cet hommage est d'autant plus indispensable que l'on prend conscience à quel point il devient quasiment impossible d'enquêter quinze ou vingt ans après les faits, tant nombre de victimes sont incapables de parler de l'agression qu'elles ont vécu. Christine, Sylvie (Coralie Russier), ont vu leurs existences saccagées, leurs liens familiaux distendus ou brisés. Parallèlement, est mis en exergue la légèreté de la police, en aprticulier à travers le personnage de Jean-Pierre Blanchot (Julien Frison), séduisant et sympathique, mais totalement inconscient des erreurs commises, qui vont permettre au criminel de poursuivre ses activités durant plus d'une décennie, alors que la prise de son ADN aurait pu faire basculer l'enquête. L'entêtement du commandant Winckler (Olivier Gourmet) démontre à quel point l'étude des 'cold case' peut devenir un travail de fourmi. Qu'importe si les faits racontés dans la série ne sont pas cent pour cent conformes à la vérité. Il suffit de visionner quelques épisodes de «Faites entrer l'accusé», pour se rendre compte que ce genre de faute est malheureusement fréquent, que certaines investigations sont viciées à la base par de petites erreurs, d'infimes manquements, qui handicapent gravement le déroulement postérieur de l'enquête. La plupart des acteurs sont excellents, et le choix de Jonathan Turnbull, tout à fait adéquat. Il figure à merveille le personnage jovial, bon père, bon ami, bon collègue de travail, incompatible avec l'idée que l'on se fait d'un pervers violent, et donc d'autant plus transparent aux yeux des enquêteurs. 

 Une série qui se bonifie au fur et à mesure de son évolution. Il lui manque juste la patte narrative et artistique qui métamorphose une création d'excellente qualité en une œuvre superlative et inoubliable. 
   
Bernard Sellier