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Scènes de la vie conjugale,
      (Scener ur ett äktenskap),     1973, 
 
de : Ingmar  Bergman, 
 
  avec : Liv Ullman, Erland Josephson, Gunnel Lindblom, Bibi Andersson, Jan Malmsjö,
 
Musique : --

 
   
Johan (Erland Josephson) est maître de conférences à l'institut psychotechnique. Son épouse depuis dix ans, Marianne (Liv Ullman) est avocate spécialisée en droit de la famille. Ils ont deux enfants et leur couple passe pour un modèle. Ils reçoivent un jour deux de leurs amis, Peter (Jan Malmsjö) et Katarina (Bibi Andersson), qui exposent brutalement leurs conflits intérieurs et les rancoeurs profondes qui les gangrènent. Dans son travail, Marianne reçoit Madame Jacobi (Barbro Hiort af Ornäs), qui souhaite instamment divorcer, bien qu'elle n'ait pas de reproche majeur à adresser à son mari. Le couple formé par Johan et Marianne serait-il le seul à résister aux tempêtes ?... 
 
   Il est difficile de résister à l'envie de poser la question en espérant une réponse dynamique, voire explosive, tant le cinéphile de base est peu habitué, en 2009, à cette caméra statique, à ces longs plans fixes, à ces conversations interminables qui composent l'intégralité de ces six épisodes ( 1. Innocence et panique ; 2. l'art de cacher la poussière sous les meubles ; 3. Paula ; 4. la vallée des larmes ; 5. les analphabètes ; 6. en pleine nuit ). A peine trente secondes d'extérieurs pour voir un véhicule arriver, c'est un atome infinitésimal d'aération en regard de ces vues de personnages le plus souvent assis, qui, durant quatre heures, dissertent sans fin de l'amour, de la vie, de la culpabilité ou de la jalousie. Et pourtant... Si l'on accepte de faire taire le mental et son besoin d'agitation perpétuelle, si l'on parvient à entrer, le coeur et l'âme ouverts, dans l'intimité de ces couples, la récompense est grande. Transcendés par des acteurs exceptionnels de présence et de naturel, les êtres que nous voyons évoluer acquièrent rapidement une intimité profonde avec nous, devenant presque des amis qui se confient autant à leur conjoint qu'aux spectateurs qui les contemplent. Rien de transcendant dans ces confessions maladroites, dans ces souffrances mal définies, simplement le vécu de gens ordinaires, qui pourraient parfaitement être notre frère ou notre conjoint. C'est dans cette proximité qu'ils sont à la fois touchants et universels. Mais, assurément, le parcours demande une certaine patience, une accalmie intérieure durable, pour apprécier pleinement ces considérations psychologico-mystiques, qui parcourent l'océan de l'existence humaine, depuis le maelstrom des attirances sexuelles jusqu'au mystère profond du sens de la vie. Au bout du compte, c'est une tendresse profonde que l'on ressent pour ces personnalités fragiles et si proches. 
 
   Rarement dans le cinéma, une oeuvre sera parvenue à expliciter avec autant de réalisme, de compassion et d'humanité, combien la connaissance de l'autre, et, plus encore, de soi-même, combien la capacité de cultiver l'authenticité à chaque instant, est un parcours hérissé de murailles presque infranchissables.
   
Bernard Sellier