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Sorry, we missed you,
       2019, 
 
de : Ken  Loach, 
 
  avec : Kris Hitchen, Debbie Honeywood, Rhys Stone, Katie Proctor, Charlie Richmond,
 
Musique : George Fenton

 
   
L'existence de Ricky (Kris Hitchen) et de sa femme  Abbie (Debbie Honeywood) est loin d'être une sinécure. Il vient de trouver un boulot harassant de transporteur tandis qu'elle travaille quinze heures par jour comme aide ménagère. quant à leur fils Seb (Rhys Stone), il sèche les cours et passe son temps à tagger les lieux publics...

      Difficile d'imaginer situations plus banales. Un déroulé répétitif de la vie quotidienne d'une famille pauvre, qui est écartelée entre des travaux harassants, des patrons implacables (en ce qui concerne Ricky), des enfants livrés à eux-mêmes et des moments qui n'ont plus d'intime que le nom. A priori rien de très engageant.

    Et pourtant... A-t-on déjà vu souvent une authenticité semblable dans l'observation d'êtres humains ordinaires ? A-t-on déjà ressenti autant d'empathie sincère envers des personnages à la dérive qui tentent désespérément d'aspirer une bouffée d'air ? A-t-on déjà rendu d'une manière aussi spontanée, naturelle, la descente inexorable dans l'enfer de la dissolution familiale, l'impossibilité de reprendre le contrôle de vies qui partent à la dérive ? Peut-être le fait d'avoir choisi des acteurs peu connus, au demeurant excellents, favorise-t-il la facilité avec laquelle le spectateur est happé par cette misère. Il serait sans doute plus difficile de sentir l'authenticité des situations si Joaquin Phoenix ou Leonardo DiCaprio étaient en tête d'affiche. Mais au-delà de ce constat, c'est la dignité, la sobriété brute et l'humanité sincère enveloppant toute cette oeuvre qui lui donnent une aura particulièrement lumineuse et touchante. Le dénouement, qui n'en est pas un, frustre dans un premier temps. Mais son ouverture vers l'inconnu est somme toute logique. Ricky et sa famille sont les symboles d'une entreprise d'asservissement dont on ne voit pas le terme. Dans sa camionnette, il roule vers un infini d'incertitudes et d'inéluctables laminations. Il est impossible de choisir entre sa famille et son travail, car sans l'un des deux, l'autre meurt. Et c'est bouleversant.
   
Bernard Sellier