Spotlight, film de Tom McCarthy, commentaire

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Spotlight,
      2015, 
 
de : Tom  McCarthy, 
 
  avec : Mark Ruffalo, Michael Keaton, Rachel McAdams, Liev Schreiber, Stanley Tucci, Billy Crudup, Paul Guilfoyle,
 
Musique : Howard Shore


 
2001. Un nouveau responsable du journal Boston Globe, Marty Baron (Liev Schreiber), décide de faire mener par une équipe de journalistes, baptisée Spotlight, une enquête sur les agressions pédophiles commises par une poignée de prêtres. Mais, bientôt, les investigations menées changent la donne. Non seulement il ne s'agit pas de cas isolés, mais surtout il apparaît certain que les autorités ecclésiastiques ont couvert les coupables... 
 
 Mille fois hélas, il s'agit de l'authentique enquête menée par le Boston Globe au début du vingt-et-unième siècle, et couronnée par le Prix Pulitzer. Sans fioritures, sans surenchère émotionnelle, le récit accompagne la quête d'une poignée de journalistes passionnés, au premier rang desquels il faut mentionner l'excellent et volcanique Mark Ruffalo. La narration se révèle très classique, délaissant effets faciles ou voyeurisme déplacé. Il en résulte une oeuvre sérieuse, gorgée d'informations précises et détaillées, d'une certaine forme de suspense dramatique, que l'on aurait pu souhaiter plus novatrice dans sa forme. Elle est heureusement portée par des acteurs profondément impliqués dans leur recherche d'une vérité qui dérange. Car, au-delà de la progression de l'investigation brute, c'est bien sûr la mise au jour de l'abomination qui occupe le devant de la scène. Devant les révélations publiques, les conséquences inéluctables mais sans doute limitées qui suivent (y aura-t-il réellement une évolution des comportements, tant que le dogme imposera le célibat aux prêtres ?), plusieurs attitudes sont envisageables. La première, celle que les responsables épiscopaux et leurs avocats véreux ont choisie, à savoir la dissimulation et le déplacement géographiques des ecclésiastiques coupables. La seconde : poser sur les deux plateaux d'une balance d'un côté les souffrances subies par les enfants, de l'autre l'influence, prétendue spirituelle, d'une Église bimillénaire dans le monde entier. La troisième, corollaire de la précédente : une attitude à l'indienne, c'est-à-dire la considération que les victimes subissent une peine karmique, tout comme les "Intouchables" de l'Inde, et que c'est la volonté de Dieu, point barre ! Pour tout humain digne de ce nom, qu'il soit catholique, orthodoxe, juif ou athée, la première et unique réaction ne peut être qu'une nausée révoltée et indignée devant l'enterrement de première classe opéré par les autorités ecclésiastiques, judiciaires, et la désespérance muette des victimes. Dès lors, il semble dérisoire de jauger le film sur un plan purement technique ou narratif. Il est en revanche capital de souligner qu'il s'agit d'une œuvre indispensable, attestant, s'il en était besoin, la nuisance mortifère de toute forme de dogme.
   
Bernard Sellier