Douglas Quaid (Arnold Schwarzenegger) est marié depuis huit ans avec Lori (Sharon Stone). Il est ouvrier et mène une vie calme, si ce n'est que, la nuit, de fréquents cauchemars à base martienne viennent le hanter. Il décide un jour d'expérimenter les voyages fictifs que propose la société Rekall. Mais la séance d'implantation se passe mal et, à sa sortie, Douglas manque d'être assassiné par un de ses compagnons, Harry (Robert Costanzo). Rentré chez lui, c'est Lori qui, cette fois, cherche à le tuer. Ayant réussi à lui échapper, il est poursuivi par un homme mystérieux, Richter (Michael Ironside)...
Si l'on excepte un générique de début aussi laid qu'inintéressant et basique, quel scénario ! Quel film ! Pendant deux heures d'un feu d'artifice ininterrompu, le spectateur suit en haletant les abracadabrantes péripéties d'une histoire bourrée de ramifications complexes, passionnantes et inventives. Verhoeven marie avec un équilibre parfait les différentes composantes de son oeuvre : la science-fiction, avec décors martiens particulièrement envoûtants, personnages mutants esthétiquement réussis (Vénusville, le chef des rebelles, Kuato) ; l'humour bon enfant (le chauffeur de taxi-robot, Benny) ; le thriller, magnifiquement servi par un suspense constant dû aux ramifications subtiles d'un drame à tiroirs très habilement agencé. Il se paie, de plus, le luxe d'amener, grâce à l'énigme identitaire qui se pose à Quaid, une réflexion et des perspectives vertigineuses sur l'importance de la mémoire, son pourvoir dans la connaissance de soi, le rôle de l'illusion (on voyage désormais par implants interposés, en choisissant sa destination, sa personnalité, les compagnons qui vous escortent...), de la confiance...
Chaque minute amène son lot de trouvailles tant visuelles que narratives. Mais, c'est là une clé majeure de la réussite du film, la trame principale n'est jamais noyée par cette démesure. Là où tant de créations modernes voient leur scénario englouti par une masse écrasante d'effets spéciaux voyants et superflus, Verhoeven a le génie de présenter tous ses "gadgets" comme des composants naturels parfaitement intégrés au récit. Il suffit de fixer le visage perdu de la petite mutante et de sa mère pour s'en convaincre. Il est rarissime de rencontrer un amalgame si intelligemment dosé, que les aspects sentimentaux, aventureux, stressants, hermétiques, créatifs (le double holographique) parviennent tous à exister intensément.
Une réussite géniale et, en prime, une fort belle musique.
Bernard Sellier