Traffic, film de Steven Soderbergh, commentaire

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Traffic,
      2000,  
 
de : Steven  Soderbergh, 
 
  avec : Benicio del Toro, Jacob Vargas, Michael Douglas, Don Cheadle,  Catherine Zeta-Jones, Albert Finney, James Brolin, Dennis Quaid,
 
Musique : Cliff Martinez


   
Au Mexique, dans la région de Tijuana, le policier Javier Rodriguez (Benicio del Toro) et son collègue Manolo Sanchez (Jacob Vargas) mettent la main sur un lot de drogue appartenant à l'un des deux cartels qui ont le monopole du trafic. Le Général Arturo Salazar (Thomas Milian) s'est donné pour mission de mettre fin au cartel dirigé par les frères Obregon. Pendant ce temps, en Californie, Carlos Ayala (Steven Bauer), riche entrepreneur, est arrêté sur dénonciation d'un petit trafiquant de drogue, Eduardo Ruiz (Miguel Ferrer). Tandis qu'à Washington, Robert Wakefield (Michael Douglas) est nommé responsable de l'Office de contrôle des stupéfiants... 
 
   C'est à un véritable ballet protéiforme et tragique que nous convie le réalisateur. Loin des divertissantes superficialités affichées par les "Ocean's eleven" et ses suites, Steven Soderbergh scrute au plus près le combat aussi dérisoire que courageux livré par certains représentants d'une autorité souffreteuse, mais aussi le déchirement individuel de tous ceux qui, quelle que soit leur implication ou leur situation, sont confrontés charnellement à la déchéance qui accompagne le trafic de drogue et son usage commun. Manipulations tous azimuts, exécutions sommaires, trahisons, lâchetés, dégradation inexorable de la cellule familiale, tous ces aspects se fondent dans un patchwork à la fois sinistre et terriblement vivant. L'esthétique du film, très typée et originale, surprend quelque peu. Les séquences mexicaines sont perçues à travers un filtre jaune, celles qui touchent l'administration américaine et la vie privée de Robert Wakefield le sont à travers un filtre bleu, tandis que celles qui concernent Le couple Ayala ne subissent aucun traitement. Mais, outre que le spectateur s'habitue rapidement à ces choix, ceux-ci ne grèvent jamais la vraisemblance, le réalisme ou l'authenticité du propos. Le constat final, sombre, est quasiment sans appel. La lutte est perdue d'avance. Tout simplement parce que la demande est toujours plus étoffée, et que la justice ne peut combattre à armes égales avec des puissances financières criminelles capables de corrompre n'importe quel gouvernement. Transportée par un rythme sans faille, habitée de plongées troublantes dans l'intimité des protagonistes, l'oeuvre va droit à l'essentiel, affiche une clarté narrative exemplaire malgré la multiplication des différents intervenants et lieux, et se montre constamment passionnante, voire d'une effrayante lucidité.
   
Bernard Sellier