The Truman show, film de Peter Weir, commentaire

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The Truman show,
    1998, 
 
de : Peter  Weir, 
 
  avec : Jim Carrey, Laura Linney, Noah Emmerich, Natasha McElhone, Brian Delate, Holland Taylor,  
 
Musique : Philip Glass, Brahms, Chopin, Mozart...

 
   
Truman Burbank (Jim Carrey) est un jeune homme d'une trentaine d'années, employé dans une société d'assurances. Il est marié à la ravissante Meryl (Laura Linney) et a pour ami Marlon (Noah Emmerich). Si l'on excepte le traumatisme de la mort accidentelle de son père, Kirk (Brian Delete), noyé vingt deux ans plus tôt, au cours d'un canotage sur l'océan tout proche, la vie de Truman est particulièrement tranquille dans la petite ville qu'il n'a jamais quittée. Et pour cause ! Depuis sa naissance, Truman est, à son insu, l'objet d'un gigantesque show télévisé et tout est conçu pour qu'il ne quitte jamais le "plateau" créé spécialement pour lui... 
 
   Dans nombre de ses films marquants, Peter Weir construit souvent sa création autour d'un personnage hors du commun. Qu'il s'agisse de Max Klein (Jeff Bridges) dans "Etat second", du professeur Keating (Robin Williams, dans "Le cercle des poètes disparus" ou du capitaine Jack Aubrey (Russell Crowe) dans "Master and Commander", tous sont des tempéraments originaux, riches, qui forment une sorte de centre de gravité autour duquel s'agglutinent les "moutons".  
 
   Truman est un cas particulier. Il est un homme ordinaire, à la personnalité banale, qu'un cadre préfabriqué, totalement artificiel, rend définitivement extraordinaire. Sans le savoir, il est placé dans un cocon, dans un monde idéal, d'où la souffrance, les problèmes existentiels, sont bannis. Si l'on excepte, bien sûr, la noyade de son père, pour des besoins scénaristiques. Ce jeu de cache-cache entre la "réalité vraie" (les centaines de millions de téléspectateurs qui se shootent, béats, à cette retransmission 24 h sur 24) et la "réalité virtuelle" dans laquelle baigne Truman, permet au réalisateur de jouer avec les caméras (cinq mille sont réparties à travers la ville !), les écrans, les objectifs, faisant cohabiter avec jubilation ces deux mondes qui se frôlent sans jamais s'interpénétrer. 
 
   Commencée dans la plaisanterie jouissive, façon "Prisonnier" dépourvu du carcan angoissant qui oppresse le "Numéro 6", l'histoire vire bientôt à l'horreur, même si le tempérament de Truman, délibérément puéril, son humour mélancolique et désabusé, la maintiennent dans une ligne ludique permanente. Comme si le concepteur du jeu, les années de formatage, le cadre postiche, avaient donné au moule psychologique du "héros" une résignation inébranlable, un détachement pathologique.  
 
   Jim Carrey, beaucoup plus sobre qu'à son habitude, est évidemment l'acteur idéal pour incarner ce personnage étrange, malléable à son insu, synthèse vivante d'un être sensible et d'une marionnette. Tout en s'intégrant délicatement dans la trame linéaire de son histoire programmée, qui évite, la plupart du temps, les situations extrêmes, pour se fondre dans la vie d'un homme "comme tout le monde", il parvient avec élégance à donner vie, émotion, poésie, à son parcours rigoureusement organisé par la production. A travers ce délire, aujourd'hui tout à fait concevable, hélas !, Peter Weir aborde, sans avoir l'air d'y toucher, les plus profonds problèmes existentiels : le libre-arbitre, la notion de réalité, l'asservissement de l'homme par son milieu, etc... Toujours avec un ton jouissif, un ludisme permanent qui n'excluent nullement la tendresse ou la profondeur. 
 
   Une belle réussite.
   
Bernard Sellier