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Victoria,
         2013, 
 
de : Sebastian  Schipper, 
 
  avec : Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski, Burak Yigit, Max Mauff, André Hennicke,
 
Musique : Nils Frahm, Franz Liszt


   
Victoria (Laia Costa) est une jeune Madrilène qui vit à Berlin et travaille dans un café. A la sortie d'une boite de nuit, elle rencontre quatre jeunes, Sonne (Frederick Lau), Boxer (Franz Rogowski), Blinker (Burak Yigit) et Fuss (Max Mauff). Elle les accompagne, passe un long moment en leur compagnie et sympathise avec Sonne. Il la raccompagne, mais un appel de ses copains pour effectuer un "travail" le force à interrompre le tête à tête avec Victoria... 
 
   Ce qui frappe de prime abord dans cette œuvre, c'est évidemment le fait qu'il ait été tourné en un unique plan séquence, ce qui, sur plus de deux heures, représente un exploit qu'il convient de saluer. Mais la prouesse technique ne saurait être un but en soi. Sinon, le résultat risquerait d'être totalement artificiel. Dans le cas présent, il n'en est rien. Bien au contraire, cette mini tragédie en temps réel affiche une authenticité qui n'est jamais prise en défaut. Une rencontre fortuite, une attirance instinctive, une dette qui débouche sur un engrenage fatal généré par de mauvais choix, et le drame s'installe inéluctablement. Les jeunes acteurs, Laia Costa, Frederick Lau et Franz Rogowski au premier plan, incarnent avec une justesse et une intensité remarquables ces grands ados un peu paumés qui plongent de manière inconsciente dans la criminalité ordinaire. Cependant, si le vérisme est incontestable, grâce au choix filmique adopté, le spectateur est contraint de supporter le revers de la médaille. A savoir des plans parfois entièrement noirs (90 % de l'aventure se déroule de nuit), des bavardages sans grand intérêt, une caméra parfois tremblotante, et un certain nombre de longueurs. Mais c'est le prix à payer pour suivre en direct, avec une proximité et une intimité exceptionnelles, la dérive mortifère de cinq copains inconscients, dont l'existence passe brutalement de l'insouciance au précipice. Le cinéma nous offre rarement l'opportunité d'une telle intrusion dans le réel. Et, malgré les handicaps, le résultat est très largement positif.
   
Bernard Sellier