La vie privée de Sherlock Holmes, film de Billy Wilder

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La vie privée de Sherlock Holmes,
     (The private life of Sherlock Holmes),     1970, 
 
de : Billy  Wilder, 
 
  avec : Robert Stephens, Colin Blakely, Geneviève Page, Christopher Lee, Tamara Toumanova, Clive Revill, Irene Handl,
 
Musique : Miklos Rozsa

 
   
Sherlock Holmes (Robert Stephens) est dans une période de déprime : pas la moindre énigme extraordinaire à résoudre ! Son compagnon et biographe, le docteur John H. Watson (Colin Blakely) est désespéré de voir son ami recourir à la cocaïne pour ne pas céder au désespoir. Un jour, un mystère pointe le bout de son nez. Une danseuse russe, la Petrova (Tamara Toumanova), en représentation à Londres, fait mander le détective et lui offre, pour prix de ses services, un Stradivarius authentique. Mais la mission exigée : engrosser l'artiste, ne convient guère à Holmes, qui, pour fuir, n'a d'autre recours que de faire croire à son homosexualité ! Enfin, l'Affaire (avec un grand "A") survient : une jeune femme amnésique, Gabrielle Valladon (Geneviève Page), sauvée de la noyade par un cocher de fiacre, est amenée au domicile du détective, dont elle possédait la carte de visite. Victime d'une tentative de meurtre, elle retrouve bientôt la mémoire : elle habite Bruxelles et recherche son mari qui travaillait pour une entreprise britannique. Or la société n'existe pas et le domicile à laquelle elle adressait le courrier n'est qu'une boutique vide... 
 
   Si le personnage mythique de Holmes et son contemporain français Arsène Lupin s'adonnent tous deux à la résolution de mystères insondables, c'est bien là l'unique point commun qui les rapproche. Autant la créature de Maurice Leblanc est vibrante de passions exacerbées, d'envolées romantiques, de délires passionnés, passant en un éclair de l'extase égocentrique au désespoir le plus absolu, autant celle de Conan Doyle, fidèle à l'image que l'on se fait du Britannique constipé, respire l'austérité, la sécheresse et l'atrophie du coeur. Maître de ses penchants (sauf pour la cocaïne), présentant toutes les caractéristiques du vieux garçon solennel, orgueilleux et rabat-joie, Sherlock est loin d'être un rigolo ! Heureusement pour nous, si la sphère du sentiment est en berne constante, celle du cerveau est en perpétuelle ébullition. Ce qui nous vaut de multiples aventures souvent envoûtantes à défaut d'être passionnées.  
 
   L'énigme de sa vie privée n'ayant jamais été éclaircie au cours des nombreuses enquêtes, l'idée scénaristique originale développée ici est une excellente initiative. Tout en demeurant fidèle aux modèles de l'auteur, (flegme, humour discret, atmosphère sombre d'un Londres brouillasseux), elle explore avec subtilité, élégance, les zones d'ombres du héros, tout en demeurant dans la demi-teinte et en préservant judicieusement une ambiguïté distinguée. Même si l'intrigue en elle-même se révèle au final assez plate et reste, malgré son raffinement (ou à cause de lui !), en-deça de ce que l'on aurait pu attendre sur le plan de l'efficacité pure, l'ensemble se montre léger, spirituel, vivant, inventif, ne ménageant pas les petites trouvailles qui permettent de retrouver ici le cachet inimitable que l'auteur a su conférer à ses récits et servi par deux acteurs en osmose totale avec leurs personnages. La poésie et l'émotion effleurent brièvement dans le dénouement.  
 
   Un sage petit régal... so british !
   
Bernard Sellier