Amadeus, film de Milos Forman, commentaire

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Amadeus,
      1984, 
 
de : Milos  Forman, 
 
  avec : Tom Hulce, F. Murray Abraham, Elizabeth Berridge, Simon Callow, Roy Dotrice, Christine Ebersole, Jeffrey Jones,
 
Musique : Mozart, Salieri, J.S.Bach, Pergolese...


 
Lire le poème ( CinéRime ) correspondant : ' Décomposition '

 
Enfermé dans un asile d'aliénés, Antonio Salieri (F. Murray Abraham), jadis musicien officiel de la cour d'Autriche, reçoit la visite d'un prêtre, le père Vogler (Richard Frank), venu le confesser. Il lui raconte le drame de son existence : une vie de gloire et de bonheur jusqu'à ce qu'apparaisse, en 1781, un jeune compositeur précédé d'une flatteuse réputation : Wolfgang Amadeus Mozart (Tom Hulce). D'abord protégé par le Prince-Archevêque de Salzbourg, le jeune homme entre dans les faveurs de l'Empereur Joseph II (Jeffrey Jones). Son caractère et ses conceptions musicales ne sont pas toujours du goût des seigneurs de l'époque, mais Salieri reconnaît en lui un créateur de génie. Et sa souffrance le conduit à la haine... 
 
 Beethoven n'avait pas eu beaucoup de chance, sous les traits pourtant idoines de Gary Oldman, dans l'affligeant "Ludwig van B." de Bernard Rose. Tel n'est pas le cas de Mozart, auquel Milos Forman a offert un écrin éblouissant. Cet "Amadeus" est une merveille d'intelligence, de beauté, le mariage idéal du ciel et de la terre, du divin et du profane. Beethoven était présenté sous les traits d'un abominable, vulgaire et violent personnage. Au premier abord, Mozart ne diffère pas vraiment de son futur confrère, et la scène truculente où nous le voyons apparaître au début du film, nous livre une espèce de grand adolescent insolent, lubrique, immature, inventeur du verlan !, le rire fusant comme un geyser, qui a de quoi surprendre, effectivement, le guindé Salieri ! Mais là s'arrête, par bonheur, le parallèle avec la réalisation de B. Rose. Milos Forman nous plonge immédiatement dans la créativité du jeune prodige et parvient à créer une osmose miraculeuse entre les événements quotidiens, les tempéraments des protagonistes et le génie musical spontané de Mozart. Alors que Schindler n'était qu'un prétexte, un pâle fantôme qui partait à la recherche de la "bien-aimée lointaine" de Beethoven, Salieri, loin de n'être ici qu'un faire-valoir, est un personnage majeur du drame, peut-être même "le" personnage majeur. Mozart existe par son inspiration céleste, Salieri par son humanité désemparée. Et ces deux piliers soutiennent un monumental hommage à la musique, qui représente leur amour commun. 
 
 Passionnante de bout en bout est la confrontation de ces deux hommes, l'un perdu dans un monde ludique où la création est indissociable de la verve, de la joie, mais aussi de la difficile gestion d'un quotidien pesant ; l'autre découvrant un abîme qui se creuse sous une gloire vacillante, haïssant son rival, mais plus encore ce Dieu qu'il avait adoré, et sa lucidité qui l'oblige à reconnaître la petitesse de son talent. Extraordinaire scène que celle où l'on voit le visage de Salieri se décomposer en découvrant la beauté de ces notes qui illuminent les feuillets mozartiens. Magique et musicalement merveilleuse cette dictée finale du Requiem par un Mozart-enfant explosant d'inspiration, à un Salieri-élève, tandis que tous deux entendent un invisible orchestre transfigurer en sons ces petites taches dérisoires sur les portées. Mais on découvre également dans cette biographie inspirée, de ravissants épisodes théâtraux, une vie intense, un humour débridé, un symbolisme omniprésent (la puissance du père, la statue du Commandeur dans "Don Giovanni", cette dernière partie du Requiem "Confutatis", qui décrit la damnation des méchants, dictée à Salieri, l'hypocrite, le traître...).  
 
 Toute cette oeuvre est, par son style, mais aussi par le choix inspiré de Tom Hulce, en consonance parfaite avec la musique même de Mozart : tour à tour pétillante, légère, virevoltante, jubilatoire, grave, mais éternellement marquée d'une grâce divine.
   
Bernard Sellier