Amour, film de Michael Haneke, commentaire

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Amour,
         2012, 
 
de : Michael  Haneke, 
 
  avec : Emmanuelle Riva, Jean-Louis Trintignant, Isabelle Huppert, Alexandre Tharaud, William Shimell,
 
Musique : --

   
 
Georges (Jean-Louis Trintignant) et Anne (Emmanuelle Riva), vivent une vieillesse paisible dans leur appartement parisien. Lorsque Georges observe chez son épouse des moments d'absence inquiétants, il la fait hospitaliser. Une opération est effectuée, mais c'est l'échec, et Anne revient chez elle à moitié paralysée... 
 
 Le sujet qui est abordé dans le dernier film de Michael Haneke m'avait inspiré en mars 2011, à l'occasion d'un reportage diffusé au journal télévisé, un article amer et virulent ( "Lettre ouverte aux programmeurs de centenaires" ). Un thème particulièrement dérangeant qui divise la communauté scientifique, rebute une jeunesse qui voit la fin de vie comme un concept aussi lointain qu'irréel, et provoque chez les personnes concernées autant d'angoisse que de malaise. Autant dire que cette oeuvre ne joue pas la facilité, même si, pour une fois, le style souvent hermétique et agaçant du réalisateur connaît un éclaircissement bienvenu. L'austérité, elle, garde force de loi. Lenteur, déprime, sinistrose, handicap, agressivité larvée, parsemés, çà et là, d'une fragile tendresse, sont les jalons obligés de cette chronique d'une fin de vies. 
 
 Le problème est que, en pessimiste rigide professionnel qu'il est, Michael Haneke étire à l'extrême des scènes déjà par nature lourdes, statiques ( le face à face entre Eva (Isabelle Huppert) et sa mère devenue presque aphasique, plus une multitude d'autres ), et, surtout ne cherche jamais à transfigurer les petits "riens" du quotidien. Le spectateur est donc confronté à une sorte de dissection froide, analytique, dont le sujet n'est pas un corps physique mais une cellule psychologique familiale en phase d'extinction. Une sorte de documentaire destiné, soit aux auxiliaires de vie spécialisés dans la gériatrie, soit à tous ceux qui, parmi nous, souhaitent prendre connaissance du délabrement possible qui guette notre quatrième âge. Parce que l'Amour, avec un grand "A", celui qui donne son titre au film, celui qui devrait occuper une place majeure dans la conscience, lorsque l'approche de la réunion avec la vie universelle se profile, cer Amour-cohésion là, il n'en est question à aucun moment. C'est donc bien à une simple extinction de l'existence temporelle que nous assistons, avec sa souffrance et ses drames intimes, et non à une fusion sublimée entre celle-ci et sa réalité transcendentale. 
 
 Il est tout de même étonnant que des oeuvres de réalisateurs inspirés, axées sur la désintégration, la mort, telle celle-ci ou le "Melancholia" de Lars von Trier, soient aussi dépourvues de vision spirituelle... Reste une chronique dramatiquement forte, qui, selon l'habitude du créateur, possède le mérite, peut-être, de laisser le spectateur construire sa propre compréhension, et la joie de retrouver deux grands acteurs, même si le naturel des échanges verbaux n'est pas toujours idéal.
   
Bernard Sellier