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Melancholia,
      2011, 
 
de : Lars  von Trier, 
 
  avec : Charlotte Gainsbourg, Kirsten Dunst, Alexander Skarsgard,  Charlotte Rampling, Kiefer Sutherland, Udo Kier, John Hurt,
 
Musique : Richard Wagner


   
Justine (Kirsten Dunst) accompagnée de son mari Michael (Alexander Skarsgard) arrivent à la soirée VIP que sa soeur Claire (Charlotte Gainsbourg) et son richissime beau-frère John (Kiefer Sutherland), ont organisée en leur honneur dans leur luxueux château. Mais, au fur et à mesure que les heures passent, Justine devient de plus en plus apathique. Pendant ce temps, une planète, Melancholia, s'approche de l'orbite terrestre... 
 
   Tout comme c'était déjà le cas pour "Antichrist", il est un point que personne ne peut contester : Lars von Trier n'est pas le créateur d'oeuvres qui laissent indifférent ! Ses paroles non plus, d'ailleurs, puisque c'est à l'occasion d'une conférence de presse à Cannes, suite à la projection de "Melancholia", que ses propos sur Hitler lui ont valu une expulsion remarquée. 
 
   C'est par une ouverture à la fois originale et somptueuse, (l'ouverture de "Tristan et Isolde" de Richard Wagner), aux images ralenties, comme suspendues dans un temps moribond, que le spectateur est invité à pénétrer dans cette histoire pour le moins troublante. Certaines osmoses musique-images transcendent les films et gravent dans la mémoire du spectateur un souvenir impérissable. "Mort à Venise" en est un exemple majeur. Mais le mariage des beautés visuelle et auditive suffit-il à donner naissance à un chef-d'oeuvre ? En l'occurrence, cela semble loin d'être le cas. Certes, le déroulement de cette tragédie à la fois universelle et foncièrement intimiste génère une foultitude de questionnements. Mais pour le quidam lambda, étranger aux cogitations du réalisateur, ils risquent fort de demeurer stériles. 
 
   L'histoire est divisée en deux grandes parties. La première, "Justine", revêt l'apparence d'une plongée dans l'enfer psychologique d'une famille éclatée. La légèreté festive originelle, teintée de juvénile allégresse, cède rapidement la place à une mélancolie proche de la dépression. Nous sommes alors en territoire connu, dans le souterrain où grouillent frustrations, rancoeurs, jalousies, égoïsmes, c'est-à-dire les composantes des parasites mortifères qui justifient l'utilité du travail psychothérapique. 
 
   Mais il apparaît dans la seconde moitié, "Claire", que la perturbation psychique de Justine est en lien plus ou moins direct avec la pénétration dans le système solaire d'une planète jusqu'alors invisible (on pense évidemment à Nibiru, à laquelle maintes pages sont consacrées sur Internet). Le drame quitte alors le microcosme d'une famille pour devenir un phénomène cosmique majeur. Mais, c'est là une des multiples surprises que nous réserve Lars von Trier, le spectateur se voit néanmoins confiné dans l'aura dépressive des deux soeurs. Il est impossible d'imaginer antithèse plus absolue aux débordements spectaculaires du "2012" de Roland Emmerich. Les deux oeuvres ne s'adressent manifestement pas aux mêmes récepteurs émotionnels. 
 
   Le problème, car il en surgit un majuscule au cours de cette seconde partie, est que les récepteurs auxquels elle s'adresse sont difficilement identifiables. Tandis que Claire s'enfonce progressivement dans une panique primaire, Justine, elle, ne sort de sa léthargie que pour affirmer péremptoirement que nous sommes seuls dans l'univers. Et ce qu'elle considère comme une connaissance trouve comme unique justification le fait qu'elle a deviné la clé d'un petit jeu organisé par le maître de cérémonie. C'est dire que le récit oscille entre gravité sincère et pessimisme totalement artificiel. Il est à remarquer, à ce propos, que dans une oeuvre fondée sur l'éventuelle annihilation de l'humanité, pas une once de spiritualité n'est décelable. Ce que l'on aurait pu saisir, pendant quelques secondes, comme une communion mystique ( Justine étendue nue sur la terre, et contemplant l'astre ), se voit rapidement balayé par un retour dogmatique à un nihilisme ignorant. Cette noirceur primaire, cette imposition péremptoire d'un néant supposé, sont génératrices d'une certaine indifférence vis à vis de ces êtres qui, au fil du récit, quittent progressivement l'état d'âmes vivantes pour atteindre celui de coquilles vides. 
 
   L'interprétation de Kirsten Dunst, remarquable et remarquée (Prix à Cannes), aurait pu devenir bouleversante si justement l'abstraction nihiliste du propos n'avait bâti autour de son vécu, une muraille d'indifférence difficilement franchissable. 
 
   Parfois fascinant, souvent déroutant et tristement glaçant.
   
Bernard Sellier