L'année du Dragon, film de Michael Cimino, commentaire

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L'année du dragon,
       (The year of the dragon),      1985, 
 
de : Michael  Cimino, 
 
  avec : Mickey Rourke, John Lone, Ariane, Leonard Termo, Raymond J. Barry, Caroline Kava, Eddie Jones,
 
Musique : David Mansfield, Gustav Mahler

 
 
Jackie Wong, un puissant mafieux chinois de New-York est assassiné. Cette mort amène de profonds bouleversements dans la hiérarchie qui a la main mise sur le quartier de Chinatown. En définitive, c'est le jeune Joey Tai (John Lone) qui parvient à se laisser confier par ses oncles la direction des affaires. Mais arrive un nouveau flic, le capitaine Stanley White (Mickey Rourke), bien décidé, contre l'avis de ses supérieurs, à mettre au pas la mafia extrême-orientale... 
 
 J'avais gardé le souvenir d'un film violent, dense, aux ramifications complexes. Après nouvelle vision, je me rends compte que ces qualificatifs ne sont plus vraiment adaptés. Violent ? On nous a habitué, depuis une large décennie, à voir bien pire. Dense ? Complexe ? Non. L'histoire est en fait simple, linéaire, classique pour ne pas dire banale. Ce qui me paraît, aujourd'hui, faire réellement le prix de cette oeuvre, c'est, d'une part l'habillage dont elle est parée, l'écrin de vraisemblance qui l'abrite, et, surtout, la peinture des personnages principaux, au premier rang desquels brille, une fois n'est pas coutume, Mickey Rourke.  
 
 C'est l'incarnation de cet individu extrémiste, déjanté, égoïste, manipulateur, à la limite de l'anti-héros, qui sort le film de la masse des réalisations routinières de bonne qualité dans laquelle, sans cela, il aurait risqué de se noyer. Flic violent, ambigu, qui n'en finit pas de ressasser la défaite vietnamienne, ne connaît de la communication que les menaces ou la rébellion, et porte sa pluie de décorations comme une croix expiatoire. Deux passages suffisent à donner la mesure de son tempérament : la première scène de "séduction" dans l'appartement de Tracy Tzu (Ariane) et le "discours" de motivation qu'il adresse à ses hommes. Dans les deux cas, on a l'impression d'assister à la rémission d'un désespéré qui ne trouve de raison de survivre que dans la quête d'un idéal de propreté bien suspect. L'image finale laisse d'ailleurs planer sur ses motivations un doute plus que troublant. Face à lui, John Lone incarne avec intensité l'archétype du mafieux chinois froid, insensible, mais dont les "qualités" rappellent étrangement celles de son "double" ennemi : calcul, mépris de l'autre, et soif inextinguible d'être reconnu.  
 
 Michael Cimino tente de faire entrer le spectateur dans ce monde totalement étranger pour nous des coutumes et traditions orientales. Pour ce qui est de la forme, il y réussit bien. La cérémonie de l'enterrement de Jackie Wong, qui ouvre le film, est à ce titre une réussite. Les relations à la fois houleuses et empreintes de cette feinte sagesse chinoise, entre les divers membres des Triades, (pour une grande part sous-titrées), sonnent vrai. Pourtant, un petit quelque chose d'indéfinissable empêche de s'imprégner totalement de cet univers. D'y plonger corps et âme, comme cela se produit, par exemple, pour "Le Parrain" de Francis Ford Coppola. Comme si, malgré la profondeur des personnages, la réussite formelle du cadre, le jaillissement des éclairs de violence qui saisissent le spectateur à la gorge, subsistait au fond de tout cela un aspect factice, habilement habillé, camouflé, mais cependant constamment perceptible. Peut-être la cause réside-t-elle dans la main mise envahissante de Stanley White sur le scénario. Omniprésent, parfois caricatural dans ses excès caractériels, il étouffe en partie le déroulement de ce drame, qui demeure, nénamoins, passionnant. 
 
 À noter un doublage de Mickey Rourke plus que moyen...
   
Bernard Sellier