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Le parrain,
     (The godfather),      1972, 
 
de : Francis Ford  Coppola, 
 
  avec : Marlon Brando, Al Pacino, James Caan, Robert Duvall, Sterling Hayden, Diane Keaton, Al Lettieri, Talia Shire, John Cazale,
 
Musique : Nino Rota, Carmine Coppola

  
   
Le milieu des années 40 en Amérique. Don Vito Corleone (Marlon Brando), puissant Parrain de la Mafia Italienne, mène d'une poigne solide ses "affaires" et la bonne marche de sa famille. Il a trois garçons : Santino 'Sonny' (James Caan), l'aîné, Fredo (John Cazale) et Michael (Al Pacino), le plus jeune, héros de guerre, tenu à l'écart des activités du clan. Lorsque l'histoire commence, Don Vito marie sa fille Connie (Talia Shire). C'est l'occasion de recevoir les doléances et les suppliques de certains compatriotes. En particulier celle du chanteur Johnny Fontane (Al Martino), filleul du Parrain, qui se voit refuser le rôle de sa vie au cinéma, pour avoir piqué l'une des conquêtes du producteur, Jack Woltz (John Marley). Tom Hagen (Robert Duvall), fils adoptif de Corleone, est envoyé "convaincre" le réfractaire. Comme la persuasion est difficile, un moyen plus efficace est utilisé : c'est ainsi qu'un matin, Woltz retrouve dans son lit la tête de son étalon préféré... Un jour, Sollozzo, dit "Le Turc" (Al Lettieri), vient demander une aide financière à Corleone pour monter un trafic de drogue. Celui-ci refuse. C'est le début d'une escalade de la violence, qui commence par l'agression de Don Vito, grièvement blessé de plusieurs balles de révolver... 
 
   Pour les rares cinéphiles qui ne fréquenteraient pas encore la fabuleuse base de données IMDB, cette oeuvre est classée n°1 dans le Top des films de tous les temps, juste devant "Les évadés" de Frank Darabont. Il est toujours possible d'ergoter sur la prééminence que nos affinités personnelles peuvent établir, mais, incontestablement, ce "Parrain" premier du nom, est une réussite majeure. Ce n'est pas sans une émotion certaine que le spectateur observe le ballet tragique de ces personnages hiératiques ou minables, incarnés par des acteurs de première grandeur. Marlon Brando, bien sûr, nimbé d'une aura aussi blafarde que magnétique, mais aussi James Caan, Diane Keaton et Al Pacino, avec la fraicheur et le rayonnement de la jeunesse, Robert Duvall, méconnaissable, loin des rôles de psychopates ou d'hallucinés qu'il endossera plus tard ("The gingerbread man"...). 
 
   Mais c'est surtout l'élégance de la mise en scène, sa fluidité exemplaire, le charme éloquent ou poétique des silences, la juxtaposition envoûtante de séquences antagonistes (le long épisode du mariage, presque 25 minutes, où sont habilement combinées les scènes légères de festivités joyeuses et les entretiens crépusculaires dans une atmosphère sépulcrale), qui font le prix de cette oeuvre. Le réalisateur laisse à chaque tableau le temps de s'épanouir pleinement, d'occuper l'espace et le temps nécessaires à sa complète dilatation, ce qui rend les pics de violence d'autant plus impressionnants et percutants. Alors que, de plus en plus, s'installe l'obsession du "tout rapide", du découpage façon clip, où un plan de cinq secondes paraît interminable, ce qui donne naissance à des films qui semblent montés par un Parkinsonien, Coppola entoure ses personnages avec attention, retenue, voire une sorte de vénération qui n'est pas sans choquer quelque peu lorsqu'il s'agit tout bonnement d'assassins. Dans les trentes premières secondes du film, apparaissent d'ailleurs deux mots-clés passablement stupéfiants dans la bouche d'un membre de la Mafia : "honneur" et "respect" ! Paradoxe pour le moins déroutant, pour le citoyen ordinaire qui, sans être forcément adepte du dogme simpliste dans lequel bien et mal sont délimités avec évidence, ne peut qu'être sidéré par la psychologie sélective de ces pontes "hautement respectables", qui, trente secondes après avoir clamé leur amour pour la "famiglia" décident, sans états d'âme, de supprimer une demi-douzaine de concurrents ! Mais c'est bien sûr oublier que, à l'image des actes terroristes, ces entreprises sont initiées et approuvées par Dieu... Le plus extraordinaire est que le réalisateur parvient, grâce à l'amour qu'il porte à ses personnages, en particulier Vito et son fils préféré Michael, à nous rendre (presque) attachants ces êtres qui baignent dans le crime, le mensonge et le machisme. 
 
   Même si, à mon goût, la richesse scénaristique, la construction intelligemment ténébreuse, l'envoûtement sonore, et, surtout, la mélancolie profonde de "Il était une fois en Amérique" sont irremplaçables, il n'en demeure pas moins que cette œuvre offre d'inoubliables moments de magie.
   
Bernard Sellier