Archive 81, série de Rebecca Sonnenshine, commentaire

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Archive 81,
       Saison 1,     2022,  
 
de : Rebecca  Sonnenshine, 
 
  avec : Mamoudou Athie, Dina Shihabi, Evan Jonigkeit, Ariana Neal, Julia Chan, Matt McGorry, Martin Donovan,
 
Musique : Geoff Barrow, Ben Salisbury


 
Ne pas lire avant d'avoir vu la série

 
Dan Turner (Mamoudou Athie) est spécialisé dans la récupération des bandes vidéo abîmées. Il est contacté un jour par le richissime Virgil Davenport (Martin Donovan), qui le charge de réparer une série de cassettes très détériorées par un incendie qui a détruit, de nombreuses années plus tôt, l'immeuble Visser. Retiré dans une bâtisse isolée, Dan commence à visionner les bandes. Elles ont été tournées en 1994 par une jeune femme, Melody Pendras (Dina Shihabi) venue habiter l'immeuble pour terminer sa thèse en interviewant les occupants...
 
 Le premier abord n'est pas foncièrement engageant. Tout d'abord le héros de l'histoire, Dan, n'est pas très charismatique. Ensuite, l'entrée en matière évoque furieusement un «Projet Blair Witch» étiré sur plusieurs épisodes, ce qui, en ce qui nous concerne, n'est pas un compliment et fait même craindre le pire. Comme prévu, le récit installe en parallèle les visions de ce qu'a filmé Melody et les découvertes progressives de Dan. Très rapidement les deux vécus s'interpénètrent d'une façon assez mystérieuse qui donne envie d'en savoir un peu plus sur les mystères de l'immeuble Visser ainsi que sur cet énigmatique commanditaire dont les motivations et les activités sont plutôt ténébreuses.  Il est indispensable de maintenir une attention soutenue car les sources de dramaturgie sont multiples et les personnages très nombreux. La sorcellerie, le spiritisme, les snuff movies, l'aliénation mentale, la cosmologie (avec une comète Kharon qui réapparaît tous les 70 ans), les univers conjoints, la psychiatrie, la réincarnation, les apparitions de fantômes, les espaces secrets, toutes ces composantes se mélangent dans un puzzle très élaboré dont on commence seulement à entrevoir l'image finale globale au septième et avant-dernier épisode.

 La réunification progressive de toutes ces pièces disparates s'opère grâce à trois sources principales : le vécu de Dan à l'époque présente, la visualisation du vécu de Melody à travers les vidéos qu'elle tourne sans cesse (avec ce que cela suppose d'images bruitées, déformées, mal cadrées...), et de son parcours filmé de manière 'propre'. À ce trio s'ajoute un long flashback sur les évènements situés en 1924, qui fournissent une clé explicative indispensable pour mettre en ordre dans notre esprit la myriade de mystères qui se sont étalés sur les six premiers épisodes. Le processus narratif n'est pas exempt de longueurs, de redites et d'à-côtés dont on perçoit mal l'utilité (les drogués enfermés au sixième étage). Pourtant, l'ensemble de cette histoire folle ne manque pas d'arguments et de qualités pour convaincre, traumatiser et captiver. Si l'on excepte un Dan fort limité dans son expressivité, ce qui est regrettable étant donné son statut de 'héros', tous les autres personnages, de l'inquiétant Samuel (Evan Jonigkeit) à l'allumée Iris Voss (Georgina Haig), en passant par l'ambigu Virgil, la glaciale Cassandra Wall (Kristin Griffith), et surtout l'émouvante Melody, incarnée de façon remarquable par Dina Shihabi, se montrent à la hauteur de l'ambiance glauque et mortifère qui habite l'œuvre en permanence. Dommage tout de même que le dénouement, assez conformiste, ne constitue pas le feu d'artifice espéré.
   
Bernard Sellier