Auto Focus, film de Paul Schrader, commentaire

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Auto Focus,
        2002,  
 
de : Paul  Schrader, 
 
  avec : Greg Kinnear, Willem Dafoe, Maria Bello, Rita Wilson, Ron Leibman, Bruce Solomon,
 
Musique : Anne Dudley

 
 
Los Angeles, 1964. Bob Crane (Greg Kinnear) est speaker dans une petite station de radio. On lui propose un jour le rôle principal d'une série humoristique ayant pour décor la seconde guerre mondiale : "Hogan's heroes". Malgré l'aversion première de sa femme, Anne (Rita Wilson), il accepte. Le succès est au rendez-vous. Bob reçoit des demandes d'autographes et commence à fréquenter les bars. Il fait la connaissance d'un spécialiste de la vidéo naissante, John Carpenter (Willem Dafoe), et commence à prendre goût aux partouzes qu'il organise chez lui. Pendant ce temps, Anne se morfond tout en étant persuadée du sérieux de son époux, qui s'éprend peu à peu de la jolie Patricia (Maria Bello)... 
 
 Ce film est un parcours autobiographique du véritable Bob Crane, acteur né en 1928 et mort à 50 ans, tragiquement. Difficile de dire qu'il s'agit de sa grandeur et de sa décadence, pour la simple raison que son parcours cinématographique se limite à des séries télévisées, et, qu'apparemment, son obsession du sexe l'a rapidement fait dégringoler des premiers échelons sur lesquels il s'était péniblement hissé. Le réalisateur survole ces vingt cinq ans de parcours cahotique avec une certaine bonhomie et une superficialité qui colle bien aux deux personnages principaux. Le montage, alerte dans la première moitié, perd graduellement de son allant, lorsque l'âge et une lassitude certaine commencent à peser lourdement sur les frasques des deux compères.  
 
 Greg Kinnear et Willem Dafoe entrent en osmose quasi parfaite avec ces deux tempéraments, obsédés et cyniques ordinaires, dont, par une aberration chromosomique sans doute, les neurones ont été placés dans les testicules. Bob ne voit dans la femme que des seins, et tapisse ses murs de photographies mammaires imposantes. Il est lâche, veule, affligé d'un niveau de conscience qui frôle le zéro absolu, et parfaitement pitoyable dans ses efforts désespérés de croire à sa normalité, face au refoulement de la société. Quant à John, pervers anonyme, qui s'est créé une vie brillante de débauche par le biais de la petite célébrité de son ami, il occupe quasiment la position d'un conjoint, avec ce que cela suppose de jalousies et de sujétion.  
 
 Paul Schrader semble attiré par les marginaux pathologiques, mais observe leurs déviations avec une absence de passion qui confine souvent à la platitude, voire à l'atonie. Il donne l'impression de niveler les émotions, les frénésies, les exaltations, ne s'autorisant qu'à l'extrême fin une libération énergétique. On ne peut que rapprocher l'itinéraire des protagonistes présents, de celui des deux amoureux, Colin et Mary, envoûtés par l'énigmatique Robert (Christopher Walken) ("Etrange séduction"). L'ensemble laisse, ce qui n'était pas le cas pour le film de 1990, un goût amer de dérisoire et d'insignifiance.
   
Bernard Sellier