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Étrange séduction,
     (The  comfort of strangers),    1990, 
 
de : Paul  Schrader, 
 
  avec : Natasha Richardson, Helen Mirren, Rupert Everett, Christopher Walken, Manfredi Aliquo,
 
Musique : Angelo Badalamenti

   
   
Colin Mayhew (Rupert Everett) et sa compagne Mary Kenway (Natasha Richardson) effectuent un séjour à Venise qu'ils avaient déjà visitée trois ans plus tôt. Un jour qu'ils s'étaient perdus dans le dédale des ruelle, ils font la connaissance d'un élégant Vénitien, Robert (Christopher Walken), qui leur propose de boire un verre. Le lendemain, Robert les invite à dîner et leur présente sa femme, Caroline (Helen Mirren)... 
 
   Paul Schrader est davantage (re)connu pour ses scénarios ("Raging Bull", "Obsession", "Taxi Driver", "La dernière tentation du Christ") que pour les films qu'il a mis en scène. Il faut dire que les oeuvres qu'il a dirigées ne sont pas des plus passionnantes ("Auto Focus", "The Walker"). L'histoire présente se place sous les mêmes influences que ses consoeurs, à savoir un vide existentiel pathologique qui est transcrit à l'écran par son homologue narratif. De longues séquences que l'on pourrait hâtivement qualifier de creuses, une absence de noeuds dramatiques majeurs et même mineurs, une lenteur proche parfois de l'apathie. Même Venise la charmeuse est ici réduite le plus souvent à un labyrinthe de ruelles sombres, voire menaçantes. Tout cela rappelle le désarroi intérieur que connaissaient Port et Kit Moresby dans "Un Thé au Sahara". Pourtant, malgré cette mollesse générale, le récit provoque une sorte d'hypnose progressive, saisit le spectateur grâce à un magnétisme envoûtant, dû sans doute, en grande partie, au charisme des acteurs, au charme naturel vénéneux de Christopher Walken, et à l'ambiguïté sexuelle de Rupert Everett. Pour une fois, le choix du réalisateur de ne pas forcer le mystère, de laisser l'apparente nonchalance se développer avec ses errements et ses pesanteurs, se montre payant. En revoyant le film à plusieurs reprises, on s'aperçoit que les bavardages répétitifs de Robert, qui, à la première audition, semblent dérisoires, ainsi que les rares confidences de Caroline, prennent une dimension pathologique d'autant plus terrifiante que la bonhomie avec laquelle ils sont livrés est terriblement disproportionnée avec l'atteinte psychique profonde qu'ils masquent. Et la disparition récente de la délicieuse Natasha Richardson, décédée il y a un mois au Canada d'un accident de ski, n'est sans doute pas étrangère à l'émotion que distille le film. La musique est elle aussi enchanteresse...
   
Bernard Sellier