Le bal des folles, film de Mélanie Laurent, commentaire

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Le bal des folles,
       2021, 
 
de : Mélanie  Laurent, 
 
avec : Lou de Laâge, Mélanie Laurent, Benjamin Voisin, Emmanuelle Bercot, Lomane de Dietrich, Grégoire Bonnet, 
 
Musique : --


 
Ne pas lire avant d'avoir vu le film...

 1885. Eugénie Cléry (Lou de Laâge) mène une vie confortable mais austère entre son rigide père François (Cédric Kahn) et son frère Théophile (Benjamin Voisin). Elle est sujette par moments à des troubles psychiques et a malheureusement la capacité de voir les esprits des défunts. Il n'en faut pas plus pour que son père la fasse enfermer à la Salpêtrière, asile dirigé par le docteur Charcot (Grégoire Bonnet)... 
 
 Sous le vernis clinquant d'une approche scientifique autoritaire et orgueilleuse, cette plongée dans l'univers balbutiant de la psychiatrie semble appartenir à un Moyen-Âge obscurantiste, dans lequel les femmes qui détiennent la capacité de communiquer avec les morts sont cataloguées comme sorcières et/ou folles. La conséquence de cet étiquetage simpliste par une société patriarcale, machiste et ignorante, est l'internement dans des conditions ignobles qui s'apparentent beaucoup plus à un emprisonnement qu'à une tentative de thérapie. Cette dernière se voit d'ailleurs réduite à des bains imposés d'eau glacée, à des séances d'hypnose dont le seul but est de permettre au «maître» Charcot d'en mettre plein la vue aux nombreux étudiants qui le vénèrent, et de composer des albums photographiques pour briller auprès des Académiciens.

 Dans l'oeuvre de Mélanie Laurent, à la fois réalisatrice, actrice, et coscénariste avec Christophe Deslandes, comme sans doute dans le roman de Victoria Mas dont elle est inspirée, le célèbre Jean-Martin Charcot est décrit comme un ponte arrogant, vaniteux, uniquement préoccupé de ses présentations à l'Académie des Sciences, et dont l'empathie humaine côtoie le zéro absolu. Pourtant, lorsqu'on se penche sur son parcours médical ainsi que sur les multiples recherches et découvertes qu'il a effectuées (sclérose latérale amyotrophique, syringomyélie, sclérose en plaques, atrophie musculaire progressive, maladie de Menière, maladie de Basedow...), la façon caricaturale dont il est décrit ici paraît singulièrement restrictive, même si elle s'inscrit dans la peinture d'une société dans laquelle les hommes sont les «maîtres», et la «science» une Impératrice qui détient tous les pouvoirs. La dénonciation sans ambiguïté de la condition de la femme à cette époque est naturellement aussi indispensable que juste, mais le parti pris radical de mettre uniquement en scène la facette abominable d'une médecine psychiatrique balbutiante, handicape l'authenticité de la dramaturgie. Heureusement, Lou de Laâge est criante de vérité, et l'infirmière chef, Geneviève (Mélanie Laurent), qui, au premier abord semblait la photocopie d'une Ratched («Vol au-dessus d'un nid de coucou») contemporaine, s'humanise progressivement grâce aux visions d'Eugénie. En revanche, le dénouement, très primaire et presque rose bonbon, n'est guère digne de la tragédie traumatisante qui occupe tout l'espace de l'oeuvre. Quant au véridique «bal des folles», qui donne son titre au film, il est montré une stupéfiante foire aux monstres, mais n'occupe finalement qu'une place anecdotique dans le récit. Un petit 5 étoiles...

   
Bernard Sellier