The beast must die, série de Dome Karukoski, commentaire

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

The beast must die,
       Saison 1,       2021, 
 
de : Dome  Karukoski, 
 
avec : Cush Jumbo, Billy Howle, Douggie McMeekin, Maeve Dermody, Mia Tomlinson, Jared Harris,
 
Musique : Matthew Herbert

   
  Ne pas lire avant d'avoir vu la saison

 
Île de Wight. Frances Cairnes (Cush Jumbo), enseignante, a perdu son jeune fils, tué par un chauffard. Trois mois plus tard, l'enquête est au point mort lorsqu'arrive un nouvel enquêteur, Nigel Strangeways (Billy Howle). Mais Frances, ayant perdu tout espoir de voir l'affaire relancée, quitte son poste et se consacre à la recherche du meurtrier. Elle ne tarde pas à apprendre qu'une certaine Lena (Mia Tomlinson) pourrait connaître le coupable...

 Ces quelques lignes de résumé évoquent immédiatement le film quasiment éponyme tourné par Claude Chabrol en 1969 : «Que la bête meure», qui voyait un Jean Yanne grandiose dans un machisme outrancier assumé. Ce n'est guère surprenant puisque la série est tirée d'un roman de Cecil Day-Lewis (alias Nicholas Blake), qui avait déjà inspiré le film de Chabrol. Comme dans tous les remake, on peut toujours se poser la question de sa justification. En l'occurrence, celle-ci n'est peut-être pas superflue, car, pour l'avoir revu il y a deux ou trois ans, il faut reconnaître que l'œuvre de Chabrol recelait quelques faiblesses qui ternissaient quelque peu la performance, très voyante il faut le dire, d'un Jean Yanne au sommet de sa gouaille vénéneuse. 

 Dès les premières scènes, la série affirme un particularisme affirmé. Au bout de dix minutes, on a même l'impression d'avoir devant les yeux une propagande pour le multiculturalisme. Charles Thénier est devenu une femme d'origine afro-américaine, Frances, ce qui autorise le récit à offrir au spectateur une palette émotionnelle beaucoup plus riche. Elle a pour meilleure amie  Saima (Zahra Ahmadi), musulmane voilée. Le capitaine Nigel Strangeways a pour collègue Asha James (Aasiya Shah), d'origine indienne. Pourquoi pas ? Chacun sait que la Grande Bretagne a toujours été une terre dans laquelle les cultures coexistent et se fondent. Frances, de son côté, se montre beaucoup plus riche en expressions que Michel Duchaussoy qui, malgré sa furieuse envie de vengeance, parvenait à afficher un visage presque neutre en toute circonstance. Certains reprocheront peut-être, non sans raison, le fait que l'émotionnel se montre parfois envahissant, pour ne pas dire à la limite de la boursouflure.

 Pour qui a le souvenir du film de Chabrol, il est évident que la série suit rigoureusement le même parcours narratif. Mais il est loin d'être facile d'étirer à volonté le cœur du récit, à savoir l'immiscion de Frances dans la famille de Lena, et de transformer un récit de cent minutes en œuvre de deux cents cinquante minutes, sans riquer le statisme ou la répétitivité. Le processus utilisé réside dans le développement important du rôle de Nigel, le policier. Et celui-ci est particulièrement gratiné, puisqu'il est atteint de troubles psychiques qui ne semblent guère être traités de manière efficace par le psy qu'il consulte. À certains moments, la barque paraît même exagérément chargée. La question qui se pose est de savoir si cette introduction apporte des éléments enrichissants ? C'est assez discutable. Durant les cinq premiers épisodes, Nigel n'intervient quasiment jamais de façon directe dans la trame dramatique de l'histoire. Celle-ci n'est qu'un révélateur extérieur de son mal-être, suite à la mort en mission de sa collègue Shannon. Son incursion réelle a lieu dans le dernier épisode. Est-ce suffisant pour justifier la place qui lui est donnée tout au long de la série ? À chacun son opinion. L'un des points positifs de cette création est d'offrir une galerie de personnages très typés. En premier lieu, bien sûr, le 'couple' Frances - Georges, avec l'avantage que ce dernier compose une individualité nettement plus nuancée que celle, brute de décoffrage, de Paul Decourt. Au point que l'odieux personnage qu'il incarne se ferait presque voler la vedette par sa sœur Joy (Geraldine James), véritable serpent à sonnettes.  Le rôle du jeune Philippe se voit également développé.

 À ce jour (26/11/2021), le film est noté 6,1 sur IMDB, ce qui semble tout de même sévère. Cette sanction est peut-être due aux excès que l'on a évoqués ci-dessus, ainsi qu'aux extensions narratives quelquefois dispensables. Ce qui est sûr, c'est que le résultat laisse un goût assez mitigé...
   
Bernard Sellier