C'est arrivé près de chez vous, film de R. Belvaux, commentaire

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C'est arrivé près de chez vous,
      1992,  
 
de : Rémi  Belvaux, André  Bonzel, 
 
  avec : Benoit Poelvoorde, Nelly Pappaert, Jenny Drye, Valérie Parent, Malou Madou,
 
Musique : Jean-Marc Chenut, Laurence Dufrene


 
Ben (Benoit Poelvoorde) est un jeune homme apparemment sympathique, jovial, qui aime autant plaisanter que disserter sur divers sujets. Il est suivi par une équipe de trois cinéastes, Rémy (Rémy Belvaux), André (André Bonzel), et Patrick (Jean-Marc Chenut), dans tous ses déplacements. Or ceux-ci ont un but quasiment unique : assassiner de sang-froid quelques compatriotes... 
 
 Deux ans avant "Tueurs-nés", nos voisins les Belges dégoupillent un vrai-faux documentaire qui réussit l'exploit de glacer le sang tout en chatouillant de manière souvent insupportable les zygomatiques. Le genre d'oeuvre qui, suivant les spectateurs, provoquera une vague irrépressible de nausées, ou au contraire un engouement que l'on peut, sans ambiguïté, qualifier de malsain. La question se pose en effet à la vue de cet ovni plus que dérangeant : Entreprise ignoble ou chef-d'oeuvre de vauvais goût ? Comme s'il s'agitait devant un jeu vidéo grandeur nature, Ben s'éclate en faisant éclater les boites crâniennes, organise son petit turbin macabre avec délectation, et développe avec soin les détails indispensables pour ne pas trop laisser de traces. Dans une construction narrative qui n'est pas sans évoquer celle du Quentin Tarentino de "Pulp Fiction", le film imbrique intimement le saignant et le futile, le drame et l'humour (très très) noir, les actions aussi horribles que sanglantes, et les commentaires simultanés de Ben, toujours prêt à disserter le plus naturellement du monde de société, de politique, de peinture, d'architecture, ou de cinéma. Une espèce de zombie articulé, à la programmation cérébrale hyper-limitée, qui se pavane devant les spectateurs comme une vedette éminemment sympathique. Benoit Poelvoorde, en roue libre, est déconcertant de naturel et de crédibilité dans le délire. Tout cela filmé dans un noir et blanc qui renforce encore l'aspect documentaire fauché, avec mouvements de caméra heurtés, comme le voudrait un réel reportage sur le vif (ou plutôt sur le mort !). C'est dérangeant au possible, assez stupéfiant d'audace, éprouvant pour les nerfs et sadiquement pernicieux !
   
Bernard Sellier