La Chienne, film de Jean Renoir, commentaire

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La chienne,
     1931, 
 
de : Jean  Renoir, 
 
  avec : Michel Simon, Janie Marèze, Georges Flamant, Roger Gaillard, Romain Bouquet,
 
Musique : Eugénie Buffet

   
 
Maurice Legrand (Michel Simon) est un homme effacé, sérieux, caissier dans une grande maison de bonnetterie, et peintre à ses heures. Il fait un soir la connaissance d'une jeune femme, Lucienne Pelletier, dite Lulu (Janie Marèze) qui vient d'être brutalisée par son amant, André Govain, Dédé (Georges Flamant). Maurice la raccompagne chez elle et devient son "protecteur". Il lui offre quelques tableaux que Dédé vend à une galerie d'art en les présentant comme des oeuvres d'une artiste américaine... 
 
 Ce film est quelque peu le symétrique du merveilleux "Panique" de Julien Duvivier, tourné quinze ans plus tard. Outre la présence de Michel Simon dans des rôles partiellement parallèles, on retrouve le même duo infernal et machiavélique. Janie Marèze (qui devait mourir dans un accident de voiture quinze jours après la fin du tournage), ne le cède en rien dans l'abomination, à Viviane Romance, bien au contraire, tandis que Georges Flamant campe un souteneur parfaitement odieux. Par une suite de tableaux courts, incisifs, d'une efficacité scénaristique implacable, Jean Renoir construit un plan diabolique d'où nulle lumière ne jaillit. Contrairement à l'œuvre de Duvivier, tous les personnages sont ici fréquemment médiocres, souvent noirs et d'une méchanceté foncière. Pas un pour racheter l'autre ! Mais, contrairement à l'émouvant Monsieur Hire, dont la souffrance viscérale déterminait une profonde émotion, Maurice Legrand est ici dépeint avec une sorte de distanciation qui nous le rend étranger et, à la limite, indifférent. Le déchirement qu'il vit et la perfidie qui en est la conséquence donnent une impression de composition artificielle à laquelle on adhère difficilement. L'architecture de ce drame passionnel à la Zola est rigoureuse, mais l'émotion est comme gommée par un monolithisme excessif des protagonistes, ainsi qu'un détachement volontaire, symbolisé d'ailleurs, dans l'ouverture de l'histoire, présentée par les marionnettes de Guignol.  
 
 Sombre, tendu, ascétique, mais partiellement convaincant.
   
Bernard Sellier