La Cité de Dieu, film de Fernando Meirelles, commentaire

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La cité de Dieu,
     (La cidade de Deus),      2002,  
 
de : Fernando  Meirelles, 
 
  avec : Alexandre Rodrigues, Leandro Firmino, Phellipe Haagensen, Alice Braga, Jonathan Haagensen,
 
Musique : Ed Cortês, Antonio Pinto

  
 
Une favella dans la banlieue de Rio de Janeiro, nommée, ironiquement, la "Cité de Dieu". Dans ce bidonville, les choix offerts aux enfants sont simples. Une seule voie d'ascension : devenir membres de l'un des gangs en place. Un seul métier d'avenir : dealer. Un seul moyen de survivre : supprimer ceux qui se mettent en travers de la route. Le petit Buscape (Alexandre Rodrigues) est le témoin de divers changements dans la continuité : c'est d'abord le règne éphémère du "Trio Ternura", puis la montée en puissance d'un petit gamin apparemment minable qui, au fil des années, se transforme en un tueur redoutable, Zé Pequeno (Leandro Firmino). En compagnie de son inséparable acolyte, Bené (Phellipe Haagensen), il devient le roi de la Cité... 
 
 "Film coup de poing" annonce l'affiche du film. C'est plutôt le terme de "coup de canon" qu'il faudrait employer ! Rarement fond et forme se sont unis dans une telle osmose visuelle et narrative. Il est compréhensible qu'après avoir vu "The Constant Gardener", certains critiques aient regretté que Fernando Meirelles se soit "assagi". Lorsque l'Eglise catholique décrivait les tourments d'un prétendu Enfer, elle n'imaginait sans doute pas que celui-ci puisse prendre la forme que le réalisateur nous offre. Si le crime gratuit, perpétré avec autant d'émotion que celle qui accompagne un changement de chaussettes, a toujours fait partie intégrante du monde des adultes, il n'en est naturellement pas de même pour son incorporation dans l'univers de l'enfance, considéré comme le dernier bastion de la pureté.  
 
 Ici, le terme est totalement ignoré. Comme dans un jeu video, dès leur plus jeune âge, les gamins n'ont qu'un désir : prendre un révolver et tirer sur tout ce qui bouge. C'est sidérant, atterrant, poignant, désarmant. Car, là est sans doute le plus horrible, pas un seul rayon de lumière, d'espoir, ne pointe. Il semble que cette manière de vivre, ou plutôt de mourir vite et mal, soit une malédiction qui a toujours existé et qui ne verra jamais de terme. Et ce n'est pas la perspective d'un monde futur, dominé par les multinationales et le pouvoir du gain obtenu à n'importe quel prix, qui risque d'inverser la tendance ! En ce sens, l'histoire tragique que nous conte Fernando Meirelles dans son adaptation récente du roman de John le Carré, emprunte les mêmes voies de l'indignation, dans un registre différent. Oh, certes, le petit Buscape s'en sort. L'exception qui confirme l'horrible évidence. Mais tous les autres, tous ceux qui n'ont pas le courage, la force, l'envie, de quitter la Cité, se verront balayés par le souffle de la folie dégénérée qui souffle en permanence. Même Mané Galinha (Seu Jorge), qui a pourtant réussi à se construire une existence positive, se verra inéluctablement happé par le cyclone dévastateur. Après une telle débauche de violence gratuite, une aussi traumatisante plongée dans l'enfer, parler de la mise en scène semble bien futile ! Et pourtant, elle contribue dans chacune de ses composantes (et elles sont nombreuses : montage parfois hystérique, à l'image des protagonistes ; double écran ; voix off qui n'affaiblit en rien l'énergie démente inondant l'ensemble des séquences ; construction en flash-back...), à l'efficacité immédiate de l'oeuvre. 
 
 Inoubliable.
   
Bernard Sellier