Closer, entre adultes consentants, film de Mike Nichols, commentaire

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Closer, entre adultes consentants,
        2004, 
 
de : Mike  Nichols, 
 
  avec : Natalie Portman, Jude Law, Clive Owen, Julia Roberts, Nick Hobbs,
 
Musique : W.A. Mozart, G. Rossini...


 
Dan (Jude Law) tombe amoureux d'une jeune New-Yorkaise récemment arrivée à Londres, Alice (Natalie Portman). Mais quelques mois plus tard, il fait la connaissance d'Anna (Julia Roberts), artiste photographe, qui l'attire irrésistiblement. Un soir, il se fait passer pour Anna lors d'un tchat sur Internet, et abuse ainsi un dermatologue, Larry (Clive Owen). Ce dernier rencontre la véritable Anna et la séduit et l'épouse. Pourtant, au bout de quelques mois, Dan et Anna avouent à leurs partenaires respectifs qu'ils entretiennent une liaison entre eux. Alice, désespérée, disparaît. Quant à Larry, il ne rêve que de reconquérir Anna... 
 
 Heureusement que le film ne dure que quatre vingt dix minutes, car s'il avait eu la longueur de "Il était une fois en Amérique", ce ne serait pas trois fois que les couples se seraient interchangés, mais douze ! Etrange oeuvre, en tout cas, qui, à l'image de ses personnages aussi stables que des girouettes, souffle le chaud et le froid sur un spectateur qui a de quoi être désorienté ! Il s'ouvre et se clôt sur un plan romantique à souhait, avec ralentis langoureux et chanson mélancolique. Mais entre ces deux extrêmes, que de déchirements, de souffrances, de larmes, de trahisons ! Quels que soient les dépositaires des instants d'illusion, celles-ci sont aussi éphémères que l'insecte homonyme. Quatre personnages théoriquement adultes, mais incapables de cerner leurs aspirations authentiques, déchirés en permanence par des désirs contraires, ballottés comme des fétus de paille dans la valse des mensonges, de la cruauté, de la manipulation, de la séduction, de l'amour-apparence. Au fur et à mesure que se disloquent les couples, que se recomposent les anciennes liaisons, les masques se fissurent, et la noirceur dont les pare le réalisateur les rend bien souvent antipathiques, sinon odieux. Pourtant, miracle entre les miracles, une petite étincelle d'humanité, de faiblesse touchante, parvient à briller ponctuellement, empêchant le rejet complet de ces êtres tortueux, voire machiavéliques.  
 
 Si l'évolutivité scénaristique de ces quatre coeurs malades ne manque pas d'étonner par son insistance dans le zigzagant, la gestion temporelle des séquences ne manque pas non plus de surprendre. Leur juxtaposition linéaire donne l'impression que les événements se succèdent sans faille, alors que des semaines ou des mois se sont intercalés sans qu'on en ait conscience. Ce procédé provoque une sensation proche du malaise : prises séparément, les séquences sont bien écrites, respirent souvent l'authenticité, la tension de l'instant vécu. En revanche, assemblées sans pause manifeste, leurs contenus sans cesse mouvants, contradictoires, laissent percer une impression de bouleversements artificiels, de revirements arbitraires, qui pourraient s'inverser indéfiniment, au gré de l'inspiration pessimiste du créateur. C'est à la fois fascinant, parce que le jeu des interprètes est intense, parce que leurs descentes dans l'abîme de la passion et de son corollaire, la souffrance, sont poignantes, mais en même temps d'une tristesse déprimante. Des êtres jeunes, beaux extérieurement, qui s'aspergent d'eau de rose, mais dont l'odeur interne se rapproche de celle de l'égoût. La réussite de l'oeuvre tient sans doute en grande partie à ce paradoxe : faire jaillir au milieu d'un champ de bataille quasi permanent, rares et fugitives, les fragiles fleurs d'une tendresse inespérée, qui, justement à cause de leur modestie vulnérable, éveillent notre compassion.
   
Bernard Sellier