Il était une fois en Amérique, de Sergio Leone, commentaire

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Il était une fois en Amérique,
      (Once upon a time in America),      1984, 
 
de : Sergio  Leone, 
 
  avec : Robert de Niro, James Woods, Elisabeth Mc Govern, Joe Pesci, Danny Aiello,
 
Musique : Ennio Morricone


   
Lire le poème ( CinéRime ) correspondant : ' Réminiscence '

   
David Aaronson "Noodles" (Robert de Niro) est un homme qui a dépassé la cinquantaine. Il rend visite à Fat Moe Gelly, l'un des anciens membres de la bande à laquelle il appartenait, des décennies auparavant. Il revoit son enfance dans le Bronx, son admiration muette et passionnée pour Déborah Gelly, qui ne vivait que pour la danse, ses premiers larcins, la formation de la bande avec son meilleur ami, Max Bercowicz (James Woods), leurs trafics lors de la prohibition, leur ascension fulgurante dans le milieu de la pègre, et puis le drame final qui vit l'éclatement du groupe et la disparition de certains d'entre eux... 
 
   L'être humain est souvent manipulé par ses instincts les plus bas. C'est la raison pour laquelle il est bien facile, souvent, de trouver les mots pour critiquer un film que l'on n'apprécie pas. 
 
   En face d'une oeuvre aussi admirable, l'enthousiasme demeure parfois muet. On a presque envie de laisser le silence s'installer, de demeurer dans une contemplation extatique. Il y a trop de richesses pour mettre l'accent sur certaines en occultant les autres... 
 
   Par où commencer ? L'histoire, c'est logique ! Elle est de construction complexe, toute en flash back, mais totalement maîtrisée et d'une richesse thématique extraordinaire. Exception faite de celui-ci, je ne connais aucun film qui embrasse autant de passions humaines et les fasse éclore dans une mosaïque de genres aussi étendue. Et surtout, assemblées dans un scénario, certes complexe à la première vision, mais aux éclatements parfaitement gérés. 
 
   Il y a l'amitié, l'amour, la jalousie, la cupidité, la joie, la bêtise, la tristesse, la désillusion, la mélancolie... Tous ces sentiments se heurtent, s'agressent, se complètent dans des scènes qui vont de la bouffonnerie (la naissance du fils du chef de la police... extraordinaire Danny Aiello !) à la poésie de l'enfance ("Noodles" observant la danse de Déborah, caché dans les toilettes), en passant par la violence (le temps de la prohibition), le désespoir... A quoi bon allonger la liste ? Toutes les joies et les détresses de l'humanité naissent et meurent sous nos yeux dans une débauche de fureur et de paix. 
 
   Les comédiens ? Robert de Niro m'a rarement semblé aussi inspiré qu'ici. La composition multiple de son personnage est fascinante. Lorsqu'au début du film, il vient revoir Fat Moe, après trois décennies de disparition, il est cet homme âgé, usé, désabusé, aux gestes lents, conscient d'avoir raté une partie de sa vie, mais peut-être en route vers une certaine paix intérieure. Dans les scènes des années 30, il est ce jeune impulsif, tiraillé entre la tendresse de l'amour et le goût de la violence qui l'environne et l'aspire. 
 
   Joe Pesci, égal à lui-même, James Woods toujours sarcastique et inquiétant, Danny Aiello, épique, sont tous excellents. Elisabeth Mc Govern, qui incarne Deborah, est toute finesse et fragilité. L'intensité de son regard, la flamme qui y brille sont inoubliables. 
 
   La musique ? Un monument à elle seule ! Non seulement elle est d'une grande beauté, -cela n'est pas vraiment une surprise de la part d'Ennio Morricone !-, mais encore elle est quasiment inspirée, au sens le plus élevé du terme. C'est la différence, très subtile et, certes, subjective, qui existe entre des accompagnements magnifiques ("Titanic", "La courtisane", "Quand les aigles attaquent"...) et des musique qui transcendent le charme simple pour atteindre une dimension différente, une osmose totale entre le vu et l'entendu. C'est ici le cas, tout comme, par exemple, dans "Mission", de Roland Joffé (toujours du même Ennio Morricone !). 
 
   Oeuvre monumentale (presque 4 heures !), magistrale et envoûtante, sur la mémoire, sur le temps irrévocablement passé, sur le regret, le remords, l'amour. A-t-on un jour illustré de manière aussi mélancolique la prise de conscience d'avoir gâché sa vie et ce qui nous était offert ? 
 
Quelques mots, prononcés par "Noodles" résument à eux seuls ce désespoir de jeunesse brisée qui, avec le temps, s'est approché, peut-être, de la sérénité. A son ami Fat Moe, lui aussi vieilli et fatigué, qui lui demande ce qu'il a fait durant toutes ces années d'absence, il répond : 
 
"Je me suis couché tôt" !
   
Bernard Sellier