Confessions d'un homme dangereux, film de George Clooney, commentaire

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Confessions d'un homme dangereux,
     (Confessions of a Dangerous Mind),       2002,  
 
de : George  Clooney, 
 
  avec : Sam Rockwell, Drew Barrymore, George Clooney, Michelle Sweeney, Jennifer Hall, Ilona Elkin, Rutger Hauer,
 
Musique : Alex Wurman, Ludwig van Beethoven

 
 
Chuck Barris (Sam Rockwell) est un homme ordinaire, qui se voudrait extraordinaire. Il rêve de devenir une vedette de télévision, mais invente des concepts d'émissions qui ne sont pas du goût des producteurs de l'époque. Il faut préciser qu'en 1960-1970, les Américains sont particulièrement engoncés dans une morale pudibonde, et surtout préoccupés de combattre l'hydre communiste. Chuck est un jour contacté par un homme mystérieux, Jim Byrd (George Clooney), qui lui offre de devenir tueur indépendant aux ordres de la CIA. L'une de ses émissions ayant été acceptée, il peut ainsi cumuler travail exotérique et missions secrètes. Il accompagne en effet les candidats gagnants à l'étranger, ce qui lui permet d'opérer incognito ses exécutions... 
 
 Pour une première réalisation, George Clooney nous offre une oeuvre tout à fait intéressante, capable d'enthousiasmer, par sa diversité et sa richesse, un large éventail de spectateurs. Au premier abord, nous sommes en présence d'une biographie frivole, animée, brillante, qui met en avant la superficialité d'un homme égocentriste, en la colorant d'une ironie bon enfant. Un peu à la manière dont est dépeint le Nick Naylor de "Thank you for Smoking". Chuck est un salaud, certes, imbu de lui-même, considérant la femme avec le même intérêt qu'une bouteille de whisky, mais, finalement, plus pitoyable que véritablement mauvais. Même s'il est prêt à toutes les bassesses pour conserver sa liberté individuelle et pour devenir une idole du petit écran, son aspect falot, merveilleusement rendu aussi bien dans le physique passe-partout que dans l'interprétation, par Sam Rockwell, le rend presque attachant. Conscient du pouvoir hypnotique que la télévision recèle, il invente, bien avant l'heure, le concept de télé-poubelle qui nous envahit aujourd'hui de toutes parts. Flatter les penchants vulgaires et les bas instincts du téléspectateur moyen ne peut que servir l'audience. 
 
 Pourtant, si l'on gratte, ne serait-ce que superficiellement, le vernis, on découvre un tout autre Chuck ! Sous le manteau d'un Monsieur tout le monde arriviste, se cache un personnage d'autant plus dangereux qu'il ne semble pas établir de différence morale entre les jeux puérils qu'il invente, et l'exécution d'un homme qui n'a pour tort que de figurer sur une liste de prétendus dangereux communistes ! Dès lors, derrière le présentateur désinvolte, évanescent, apparaît une sombre personnalité, dans laquelle des traumatismes d'enfance ont disposé, soigneusement cachés, des implants agressifs, qui ne demandent qu'à recevoir l'autorisation de se libérer. Celle-ci prend la forme d'une "Chasse aux Sorcières", où les "Rouges" prennent la place laissée vacante par les Juifs. Sans avoir l'air d'y toucher, tout en conservant un style décontracté, doucement amer, l'histoire s'imprègne progressivement d'une horreur ordinaire, d'autant plus glaçante qu'elle apparaît banalisée, simple comme un coup de fil. Chuck, l'assassin, n'a rien de l'être secret, imposant, menaçant, de l'espion perfide, redoutable. Ce pourrait être notre voisin, notre beau-frère, l'homme à qui nous serrons la main tous les jours, avec qui nous plaisantons devant un apéritif. La mise en scène, le montage, épousent parfaitement l'intention du réalisateur, qui est d'entretenir une ambiguïté naturelle sur une personnalité qui oscille constamment entre inconsistance, mondanité, et obsession criminelle. Quant aux décors, incursions de noir et blanc, couleurs travaillées, tantôt délavées, tantôt agressives, elles rendent à merveille l'atmosphère des années 50-70. Peut-être est-il possible de regretter que l'aspect farce l'emporte haut la main. Toujours est-il que l'ensemble se révèle aussi excitant qu'intelligent et générateur de réflexion.
   
Bernard Sellier