Thank you for smoking, film de Jason Reitman, commentaire

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Thank you for smoking,
     2005, 
 
de : Jason  Reitman, 
 
  avec : Aaron Eckart, Maria Bello, Robert Duvall, Sam Elliott, Rob Lowe, William H.Macy, David Koechner, Katie Holmes, 
 
Musique : Rolfe Kent


 
La vie sentimentale de Nick Naylor (Aaron Eckart) est ratée. Son épouse, Jill (Kim Dickens) l'a quitté pour un médecin, Brad (Daniel Travis), et vit avec son fils, Joey (Cameron Bright). En revanche, côté professionnel, ce n'est pas la même galère ! Nick travaille pour le compte d'une "Académie d'études sur le tabac", financée par les fabricants de cigarettes, et dont la mission est de convaincre chaque fumeur potentiel qu'il n'y a aucun risque à consommer leurs produits. Et le moins qu'on puisse dire est que Nick brille dans son domaine... Ses talents de beau parleur, son sens aigu de la répartie et la flexibilité de sa morale lui permettent de contrer avec éclat toutes les attaques portées contre la cigarette. Il rencontre un jour une jeune journaliste, Heather Holloway (Katie Holmes), chargée d'écrire un article sur lui... 
 
 Peu de temps après "Lord of War", c'est le lobby du tabac qui est la cible de cette oeuvre joyeusement cynique. Même si le but semble être le même que dans le remarquable film de Michael Mann, "Révélations", les approches stylistiques et narratives se montrent résolument différentes. Nick est un joyeux drille qui assume pleinement le rôle qu'il a choisi, et dans lequel il se révèle le meilleur : berner ses concitoyens, jouer de leur ignorance pour leur faire ingurgiter l'inacceptable. Mieux encore : utiliser le besoin naturel de libre-arbitre, que chaque humain tente de préserver en lui, pour l'aiguiller sur la pente fatale : essayer le produit avec, en épilogue probable, la captation d'un nouveau consommateur prisonnier. 
 
 La dénonciation est claire. Mais le réalisateur joue habilement, vicieusement presque, avec les pantins qui s'agitent. Car il n'y a pas, ici, de camp des blancs contre le camp des noirs. Ou, si la différence existe, il est indispensable de la chercher au-delà des individualités qui les peuplent. Nick est, selon la morale classique, un pur salaud, se moquant éperdument de la santé de ses concitoyens, du moment que ses traites sont payées à la fin du mois. En cela, il est parfaitement semblable à ses deux amis, avec lesquels il déjeune régulièrement : Bobby (David Koechner), défenseur du lobby des armes, et Polly Bailey (Maria Bello), qui travaille pour les producteurs d'alcool. La scène au cours de laquelle ils comparent le pouvoir mortifère de chacun de leurs outils, est particulièrement jouissive, tout en faisant froid dans le dos ! Mais les représentants du camp théorique des "purs" n'est pas, pour autant, épargné. Le Sénateur Ortolan (!) K. Finistirre (William H.Macy), est un redoutable imbécile, et le monde du journalisme, souvent ultime bastion de la blancheur Omo, utilise à son profit les propres armes de Nick... Le personnage de Heather Holloway est calqué sur celui de Louise 'Babe' Bennett (Jean Arthur), dans "L'extravagant M.Deeds"... 
 
 À la sortie, un film dont la cible s'élargit au fur et à mesure que la narration se développe, dénonçant davantage la bassesse humaine en général, que la puissance criminelle des fabricants de tabac. La qualité des répliques et une inventivité manifeste dans la façon de conduire le récit, tiennent lieu de profondeur. Sans compter que la sympathie générée par le personnage central, désamorce en grande partie le pamphlet. 
 
 Reste une oeuvre souvent excitante, globalement évanescente, à l'image de la fumée des cigarettes, mise en scène avec une énergie et une originalité formelle indéniables, qui se moque, sans réelle agressivité, d'un mode de vie américain pathogène, qui contamine rapidement la planète. Deux répliques symbolisent parfaitement le ton général. Bobby mange une sorte de chose jaunâtre dont ne voudrait pas un chien. Nick le regarde vaguement dégoûté : "C'est dégueulasse !". Bobby répond avec une moue résignée : "C'est américain !"...
   
Bernard Sellier