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The Crown,
      Saison 1,        2016 
 
de : Peter  Morgan, 
 
avec : Claire Foy, Matt Smith, Pip Torrens, Vanessa Kirby, John Lithgow, Ben Miles,
 
Musique : Rupert Gregson-Williams


 
Saison 2         Saison 3

 
Le roi Edouard VIII ayant abdiqué pour avoir le droit d'aimer Wallis Simpson, c'est son frère qui devient roi sous le nom de Georges VI (Jared Harris). Lorsque celui-ci meurt, c'est sa fille aînée, Lilibeth, qui accède au trône sous le nom d'Elisabeth II (Claire Foy)... 
 
 Les six saisons composent une fresque monumentale du long règne d'Elisabeth II. Tout commence avec la situation familiale qui précède son accession à la couronne. Cette première saison nous fait découvrir la jeunesse de la reine ainsi que les obstacles qu'elle va rencontrer sur un chemin de règne pour lequel elle n'avait pas été vraiment préparée. Trois grands axes dramatiques se dessinent : d'une part les relations plus ou moins conflictuelles avec celui qui est une personnalité aussi incontournable qu'envahissante, en l'occurrence le premier ministre Winston Churchill (John Lithgow), sorti de la seconde guerre mondiale auréolé de gloire. L'homme est imposant, et brillamment incarné par un John Lithgow tour à tour patelin, autoritaire, dissimulateur et bête de scène. Le second axe dramatique a trait à la passion amoureuse de Margaret (Vanessa Kirby) pour le colonel Peter Townsend (Ben Miles), qui présente le défaut majeur d'être divorcé. Le troisième axe concerne le mariage de la reine avec Philip (Matt Smith), qui ne se révèle pas un long fleuve tranquille.

 Tous les évènements qui se déroulent devant nos yeux sont bien connus et aucun suspense n'est de mise. Pourtant il est passionnant de suivre les méandres de ces différentes dramaturgies, tant les personnalités sont analysées avec finesse et se révèlent d'une richesse insoupçonnée. Pour celui qui n'est pas admirateur inconditionnel de la couronne britannique, les représentants de celle-ci apparaissent souvent comme des personnages momifiés, engoncés dans un traditionnalisme désuet et mortifère. Bien que les créateurs aient sans doute parfois enrichi le réel, il n'en demeure pas moins que nous voyons en permanence palpiter les cœurs sous les robes d'apparat et les attitudes figées. Sur le plan purement documentaire, il est aussi captivant de découvrir certains éléments inconnus. L'un des plus surprenants réside dans l'éducation de la future Elisabeth II. Ou plutôt son absence d'éducation, puisqu'elle se rendra vite compte qu'elle n'a reçu aucun enseignement de base, que ce soit dans la littérature, les sciences, la philosophie, ou l'histoire, ce qui la place dans un état d'infériorité insupportable lors des conversations avec les hauts dignitaires du pays. Les relations difficiles entre la reine et sa sœur Margaret, personnalité, exubérante et originale, ne manquent pas de piquant, et permettent de voir à quel point les règles de la tradition monarchique sont rigides et difficilement brisables. C'est d'ailleurs ce statisme rigoureux qui va perturber grandement les relations amoureuses et familiales d'Elisabeth avec son mari Philip. Contraint de suspendre sa carrière militaire, de perdre son nom de Mountbatten, d'abandonner la maison de Clarence House qu'il se plaisait à décorer, il se sent de plus en plus comme une verrue  dans ce décor royal austère, codifié jusque dans les moindres détails, où l'influence des femmes est discrète mais puissante. Ce qui est tout aussi remarquable, c'est la manière dont les tensions sont dénouées. Pas le moindre emportement, pas le moindre cri, les échanges sont feutrés, les duels se font à fleurets mouchetés. Et pourtant, quelle violence sous-jacente dans les rappels aux règles énoncés par les secrétaires particuliers, gardiens de la tradition ! Tommy Lascelles (Pip Torrens) est l'exemple parfait de ce rigorisme redoutable.

 Remarquablement bien jouée, en permanence captivante à suivre, dotée d'une richesse documentaire incontestable, cette première saison est un bijou qui se déguste avec gourmandise.
   
Bernard Sellier