Le rêve de la jeune journaliste Judith Rochant (Anaïs Demoustier) est d'interviewer Salvador Dali (Gilles Lellouche, Edouard Baer...). Avec l'aide d'un producteur, Jérôme (Romain Duris), elle tente de convaincre l'artiste. Mais l'entreprise est loin d'être une sinécure...
Pouvait-on rêver réunion artistique plus idéale que celle d'un réalisateur passablement allumé (Au poste !, Le daim...) choisissant de se pencher sur l'une des figures les plus excentriques du vingtième siècle ? Autant le préciser d'emblée, le film, très court - 75 minutes environ - n'a rien d'une approche biographique conventionnelle. Comme on pouvait s'y attendre de la part de Quentin Dupieux, le scénario est à l'image du peintre : déjanté. Tout commence pourtant de façon très classique avec une proposition de rencontre et l'arrivée du Maître. Mais c'est pour mieux désorienter le spectateur. Car dès que Dali apparaît dans le couloir de l'hôtel, le dérèglement narratif commence. Salvador n'en finit pas d'avancer, donnant l'impression qu'il marche à contre-sens sur un tapis roulant, et mettant cinq minutes pour parcourir vingt mètres qui le séparent de Judith. S'ensuivent alors une série de scènes abracadabrantes, qui se délectent des personnalités mutiples de Dali (avec à la clé plusieurs acteurs l'incarnant), de la temporalité, des rêves, des répétitivités éclatées, tout cela dans un jouissif mélange de mégalomanie et de psychisme désorganisé. L'ensemble de cette sarabande est fort divertissant, et les acteurs qui incarnent Dali s'en donnent à cœur joie dans les envolées lyriques et les rodomontades du personnage. Il n'empêche que l'entreprise, centrée sur un imaginaire artistique aux limites restreintes, n'affiche pas une ambition scénaristique très développée. Car pour le commun des mortels qui sortira de cette vision sans connaître l'œuvre de Salvador Dali, celui-ci sera réduit à un personnage ayant connu une renommée mondiale pour ses excentricités et son nombrilisme gigantissime. C'est tout de même peu. Notons aussi que la ritournelle musicale qui accompagne une grand nombre de scènes, répétitive au possible, se révèle horripilante.