Dans ses yeux, film de Juan Jose Campanella

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Dans ses yeux,
      (El secreto de sus ojos),     2009, 
 
de : Juan Jose  Campanella, 
 
  avec : Soledad Villamil, Ricardo Darin, Carla Quevedo, Pablo Rago, Javier Godino, Rudy Romano,
 
Musique : Federico Jusid, Emilio Kauderer


 
Juin 1974 en Argentine. Une jeune institutrice, Liliana Coloto (Carla Quevedo), qui vient d'épouser depuis peu Ricardo Morales (Pablo Rago), est violée et assassinée. La justice, représentée par Irene Menendez Hastings (Soledad Villamil), et Benjamin Esposito (Ricardo Darin), mènent l'enquête. Deux ouvriers du bâtiment sont arrêtés par un collègue de Benjamin, mais ils sont innocents. C'est vers un ancien ami d'enfance de la victime, Isidoro Gomez (Javier Godino), que se dirigent les soupçons d'Esposito... 
 
 Un meurtre sauvage, une enquête difficile, une période politique troublée, tout cela permettait d'attendre un thriller aux lignes tendues, socialement engagé, voire dénonciateur des exactions qui ont ensanglanté nombre de pays d'Amérique du Sud pendant de longues décennies. Il n'en est rien. C'est à peine si mention est faite des recrutements, pour le moins sordides, effectués par les responsables du pouvoir. Mais à la place de ces éléments absents, nous est offerte une chronique passionnelle envoûtante, doublée d'une méditation mélancolique et désabusée sur le pouvoir mortifère de la mémoire, de l'obsession, et de la fixation mentale dans un instantané aussi traumatisant qu'insupportable. Cette mort horrible affecte le mari de la victime, bien évidemment, mais son aura maléfique s'étend sur des personnalités qui, a priori, sont étrangères au drame. Plus d'une fois le souvenir de "Il était une fois en Amérique" surgit, tant la coloration désespérément terne de l'existence vécue par Benjamin évoque la vie brisée de "Noodles". Porté par des acteurs en état de grâce, grâce à des personnalités principales, mais aussi secondaires, très riches, le scénario mêle habilement passé et présent pour développer un tableau intense, authentique et poignant, traversé de séquences foudroyantes (l'interrogatoire de Gomez), habité par des êtres dont les obsessions, les traumatismes et les désirs s'interpénètrent en permanence, sans qu'ils en soient réellement conscients. Des êtres en apparence faibles, parfois pitoyables , et pourtant capables de faire surgir l'étincelle de lumière ou de sacrifice qui dormait au tréfonds de leur âme. 
 
   Une oeuvre qui, sous ses dehors de modestie et de classicisme, révèle des trésors de puissance émotionnelle.
   
Bernard Sellier