De battre mon coeur s'est arrêté, film de Jacques Audiard, commentaire

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De battre mon coeur s'est arrêté,
       2005, 
 
de : Jacques  Audiard, 
 
  avec : Emmanuelle Devos, Romain Duris, Niels Arestrup, Aure Atika, Jonathan Zaccaï, Linh Dan Pham, Gilles Cohen,  
 
Musique : Alexandre Desplat


 
Thomas Seyr (Romain Duris) magouille dans l'immobilier, en tant que marchand de biens, en compagnie de Fabrice (Jonathan Zaccaï), qui trompe sa femme, Aline (Aure Atika) allègrement, et de Sami (Gilles Cohen). Son père, Robert Seyr (Niels Arestrup), veuf depuis des années, envisage de se remarier avec Chris (Emmanuelle Devos). Un soir, Thomas aperçoit un certain M. Fox (Sandy Whitelaw), qui était, jadis, imprésario de sa mère, Sonia, pianiste. Il se fait reconnaître de lui et décide de reprendre des leçons, afin de passer une audition. Il commence à travailler l'instrument sous la houlette d'une jeune femme orientale, Miao Lin (Linh Dan Pham), qui ne parle pas français... 
 
 Tout comme c'était le cas pour son précédent film, "Sur mes lèvres", Jacques Audiard ne joue pas dans le brillant ou le sympathique immédiat. Mais, alors que la confrontation de Paul et de Carla se développait matériellement et émotionnellement jusqu'à provoquer chez le spectateur un mélange d'attention et de compassion, les individualités et relations intérieures que le réalisateur nous offre ici, laissent de marbre. Thomas est un hyper-nerveux, un angoissé agressif parfaitement antipathique. Cela ne serait pas un handicap en soi, si le parcours évolutif de sa personnalité générait un magnétisme vibrant. C'est loin d'être le cas. L'interprétation exceptionnelle que donne Romain Duris de ce jeune homme rêvant de quitter le monde de brutes dans lequel il se noie, afin d'entrer en harmonie avec l'univers artistique dans lequel baignait sa mère, n'est pas en cause. Jacques Audiard a choisi de le faire évoluer dans une atmosphère lourde, poisseuse, perpétuellement tendue, dans laquelle même les séquences de musique sont un combat contre le destin. L'environnement humain n'est pas plus favorisé. Le père de Thomas est un vieil obèse méprisant, égoïste, qui charge son fils des basses besognes qu'il est incapable d'exécuter. Fabrice est un sombre salaud, Minskov (Anton Yakovlev), une authentique crapule. Quant à Chris ou Aline, elles ne brillent guère par leur rayonnement. Seule Miao Lin échappe à la sinistrose générale, sans pour cela devenir une source réellement lumineuse.  
 
 Le plus regrettable, à mon sens, n'est pas tant cette propension à la noirceur généralisée. Elle est tout à fait capable de donner naissance à des émotions profondes, viscérales. Ce qui me paraît stupéfiant, et d'autant plus étonnant que l'appréciation très enthousiaste de la grande majorité des critiques me laissait augurer une oeuvre poignante, est de n'avoir ressenti que de l'ennui devant cette suite de scènes pourtant fortes dans leur essence. A l'extrême limite, il serait même possible de dire que le destin de Thomas ne m'intéresse en aucune manière ! Peut-être existe-t-il une porte d'entrée vers son humanité intérieure que je n'ai pas découverte. Pour celui qui est sensible à la création d'une atmosphère sombre, à une mise en scène qui agence avec fluidité les composantes complexes des rapports humains, filiaux, qui explore avec sécheresse, violence, des personnages acides, usés, fragiles, l'enthousiasme est incontestablement au bout de la route. Peut-être le découvrirai-je lors d'une prochaine vision...
   
Bernard Sellier