Le dernier duel, film de Ridley Scott, commentaire

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Le dernier duel,
     (The last duel),    2021, 
 
de : Ridley  Scott, 
 
  avec : Matt Damon, Adam Driver, Jodie Comer, Harriet Walter, Ben Affleck, Alex Lawther,
 
Musique : Harry Gregson-Williams

 
 
Septembre 1370. L'écuyer Jean de Carrouges (Matt Damon) rentre de la bataille de Limoges avec son ami Jacques Le Gris (Adam Driver) auquel il a sauvé la vie. Il épouse la riche Marguerite de Thibouville (Jodie Comer), mais se fait flouer sur la dot par son beau-père Robert (Nathaniel Parker), au profit de Jacques, bien en cour auprès de Pierre d'Alençon (Ben Affleck). Jean repart pour guerroyer en Écosse et revient en 1385...
 
 Après un décevant «Robin des bois» il y a une dizaine d'années, le prolifique Ridley Scott replonge, pour son dernier film en date, dans un Moyen-Âge batailleur et sauvage. Le film est divisé en plusieurs parties, chacune étant observée du point de vue de l'un des personnages. La première consacrée à Jean, laisse une impression de fragmentation assez désagréable. Nous assistons à une suite de scènes dont le liant semble faire défaut. Il y a un épisode guerrier, puis une phase de vie quotidienne, à nouveau un épisode guerrier vite expédié, puis encore une phase intimiste. On a davantage l'impression de visionner des tableautins indépendants, qu'une véritable histoire dotée d'une continuité solide et affirmée. Le deuxième chapitre, reflétant la 'vérité' selon Jacques Le Gris, semble moins sujet à cette caractéristique, mais la cause en est sans doute davantage une adaptation du spectateur à ce style narratif heurté qu'à une modification profonde de la part du réalisateur. La dernière partie, vue du côté de Marguerite, ne tranche guère avec les précédentes. Cette confrontation de relations des évènements en fonction de l'observateur (comme dans «Angles d'attaque», par exemple) est signifiante et intéressante si elle apporte des éclairages différents. Dans le cas présent, ces trois récits apportent des interprétations bien trop peu dissemblables pour justifier cette approche narrative.

 Malgré cela, l'œuvre de Ridley Scott se montre passionnante dans sa représentation d'une femme, écrasée par les conventions machistes de l'époque, qui combat avec courage et ténacité pour faire reconnaître au monde sa dignité. Matt Damon se révèle impressionnant de puissance butée dans ce personnage primaire,  guerrier, et cependant protecteur de son épouse, même si son éducation et les mœurs de l'époque ne lui font voir en elle que son 'bien'. Jodie Comer, inoubliable Villanelle de «Killing Eve» incarne avec une émouvante sobriété cette femme qui voit s'affronter dans le dernier duel judiciaire de l'histoire, deux hommes finalement assez proches l'un de l'autre par la manifestation de leurs pulsions instinctives : d'un côté un Jean de Carrouges, sorte de bête brute illettrée mais fidèle à des valeurs nobles ; de l'autre un Jacques Le Gris, sorte de bête lubrique lettrée, adepte des partouzes en compagnie de son protecteur Pierre d'Alençon. Le duel final est épique.
   
Bernard Sellier