Ne pas lire avant d'avoir vu le film... Le jeune David (Louis Garrel) demande à son ami Willy (Raphaël Quenard) de lui rendre un grand service. À savoir de l'aider à se débarrasser de la charmante Florence (Léa Seydoux), qui est follement amoureuse de lui, mais beaucoup trop collante. Il est sur le point de la retrouver dans un restaurant, Le deuxième acte, alors qu'elle doit lui présenter son père, Guillaume Tardieu (Vincent Lindon). Mais s'agit-il bien de la véritable histoire ?...
Encore une fois, le scénariste-réalisateur trublion Quentin Dupieux mène le spectateur dans une ritournelle déconcertante, qui lui permet de donner naissance à un film aussi décalé que souvent jouissif. Et cela en construisant son œuvre avec toutes les composantes qui sont à proscrire si l'on s'en tient aux recommandations des scénaristes et réalisateurs. En l'occurrence, deux (très) longues conversations, d'abord entre David et Willy, puis entre Florence et son supposé père, filmées au cours d'un interminable travelling. Le genre de procédé souvent rédhibitoire, qui aurait tendance à faire fuir une large frange de spectateurs. Pourtant, dans le cas présent, non seulement on accepte ces dialogues, mais on constate qu'ils engendrent une jouissance réelle, tant ils sont écrits avec verve et servis par quatre acteurs exceptionnels de naturel. C'est presque aussi excitant que les tirades de Tarentino. Ensuite, le récit nous conduit dans l'intérieur du restaurant, qui va devenir le lieu unique pour le reste de l'histoire. C'est alors qu'apparaît le serveur, Stéphane (Manuel Guillot), qui, durant une demi-heure, ne va pas cesser de tenter de verser davantage de vin dans les verres que par terre. Autant dire le genre de répétitivité que nul réalisateur n'oserait proposer sur un laps de temps aussi long. Dans La party, Peter Sellers commettait connerie sur connerie, mais il se renouvelait sans cesse. Ce n'est nullement le cas ici. Et cependant, miracle inattendu, cette insistance, insérée dans des embrouilles toujours plus acides entre les quatre protagonistes, atteint un niveau de délectation irrésistible. Si l'on ajoute à tout cela une descente en flamme, à la fois des acteurs égotiques et de la future incursion de l'IA dans la créativité, on obtient un ovni filmique qui oscille avec maestria entre réalisme, fiction et imaginaire. Quentin Dupieux aurait tout de même été sensé de nous épargner l'interminable et inutile vidéo finale de sa non moins interminable voie de travelling.