Don't look up, déni cosmique, film de Adam McKay, commentaire

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Don't look up,
      Le déni cosmique,       2021, 
 
de : Adam  McKay, 
 
  avec : Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Mark Rylance, Kate Blanchett, Ron Perlman, Timothée Chalamet, Jonah Hill, 
 
Musique : Nicholas Britell

 
   
Une jeune doctorante en astronomie, Kate Dibiasky (Jennifer Lawrence) découvre au cours d'une obervation une grosse comète. Son supérieur, Randall Mindy (Leonardo diCaprio) se rend compte avec terreur que la masse de neuf kilomètres se dirige droit vers la terre qu'elle frappera dans un peu plus de six mois. Les deux scientifiques sont reçus à la Maison Blanche par la Présidente Orlean (Meryl Streep), uniquement préoccupée par les élections de mi-mandat et le scandale sexuel qui touche son amant, le shériff Conlon (Erik Parillo)...   
 
   Inutile de se demander ce qui a pu inspirer le scénariste-réalisateur de ce délire fantastico-politico-apocalyptique, tant les références à ce que le monde vit actuellement à travers la 'pandémie' transpirent à chaque instant. Le choix du plan qui constitue l'ouverture d'un film est souvent important. Il installe souvent une atmosphère qui, en quelques secondes, imprime l'atmosphère générale de l'œuvre. Dans le cas présent, il s'agit d'un verre de tisane qui se remplit de liquide. Pas très affriolant, me direz-vous. C'est vrai et le spectateur ne sait pas trop à quoi s'en tenir, d'autant plus que l'histoire débute à la manière de «Contact» ou de «Mars attacks», deux visions très différentes de la cosmologie contemporaine. Pendant un certain temps, le film d'Adam McKay semble se ranger dans une catégorie proche de l'histoire de Jodie Foster. À savoir les émois de deux scientifiques sérieux qui tentent de faire prendre conscience aux autorités qu'un évènement majeur est en marche de manière inéluctable. Mais dès l'instant où entre en scène une Meryl Streep totalement déjantée, le récit bascule dans une cascade de bouffonneries qui, il faut le souligner, ne versent jamais dans le grotesque qui était la marque de Tim Burton. Le scénario oscille en permanence, avec un art consommé du mixage chaud-froid, sérieux-cocasserie, sensibilité-cruauté, entre drame authentique et satire au vitriol de certaines personnalités que le spectateur identifiera sans peine. L'habillage clinquant (ne serait-ce que le générique en lettres gigantesques) qui enveloppe nombre de scènes, semble au premier abord un choix douteux. Mais, au fil de la narration, l'équilibre des extrêmes se révèle non seulement d'une pertinence totale, mais aussi d'une jouissance qui ne laisse jamais en repos le spectateur.

    Face à nous et aux médias, deux lanceurs d'alerte qui sont totalement étrangers aux magouilles politiciennes, aux manipulations médiatiques. Leur honnêteté est leur seule arme et, bien évidemment, elle ne pèse pas bien lourd face aux intérêts qui dirigent la planète. Vous l'aurez facilement compris, il n'y a aucun point commun avec la situation que l'humanité vit en ce premier janvier 2022. La focalisation de l'intérêt s'opère en premier sur le couple Randall-Kate. Mais c'est toute une galerie de figures plus hautes en couleurs les unes que les autres qui défile durant les cent trente minutes du film. La Présidente, bien sûr, arborant en permanence un sourire niais et une déconnection totale des réalités, son fils chef de Cabinet, inénarrable Jason (Jonah Hill), aussi abruti que sa mère, le couple des présentateurs d'un talk-show bas de plafond qui provoque des audiences record et des tsunamis chez les jeunes (une Kate Blanchett croqueuse de mâles et un Tyler Perry plus con que con). Pourtant la palme revient sans conteste à Peter Isherwell (Mark Rylance), remarquablement doublé, qui campe une copie d'Elon Musk proprement stupéfiante. Intégralement baigné dans son univers de démiurge tout puissant, sa seule préoccupation est de calculer que les métaux rares contenus dans la comète ont une valeur 140 000 milliards de dollars. Peut-on s'étonner qu'il parvienne sans peine à convaincre le gouvernement que la captation de ce trésor est une priorité absolue ? 

   Sommes-nous face à un drame, à une farce sinistre, à une satire, à une bouffonnerie (ne surtout pas manquer les deux petites séquences incluses dans le générique final !) ? En fait tout cela à la fois. C'est drôle, méchant, ironique, émouvant, déjanté, et surtout remarquablement équilibré entre tous ces extrêmes, ce qui n'est pas un mince exploit. Mais c'est aussi un constat terriblement amer de ce qui attend peut-être l'humanité dans un avenir proche, entraînée qu'elle est par une poignée de matérialistes égocentriques et visionnaires, sans avoir conscience de ce que cela implique, vers la création d'un hybride qui sera sous les ordres d'une I.A. dominatrice. Le seul point sur lequel les personnages du film sont en rupture avec la réalité qui nous environne réside en ceci : tous, quasiment sans exception, hormis le leader Peter, entrent dans son délire de manière totalement inconsciente. Dans le monde réel qui est le nôtre, il ne fait aucun doute que les 'puissants' qui nous dirigent, ont parfaitement conscience de ce vers quoi ils souhaitent nous entraîner. À quoi serviraient les réunions très discrètes du forum mondial, des sommets internationaux, les cercles secrets type 'Le Siècle', 'Club de Rome' et autre 'Bilderberger', sinon à polir le plus finement possible le moule dans lequel nous (sur)vivrons demain ?

  À noter que le critique des Inrokuptibles, souvent très surprenant dans ses appréciations, déclare : «on est plutôt au contraire dans quelque chose d’extrêmement balisé et tranquillisant». Ah bon ? On ne doit pas avoir la même conception du mot 'tranquillisant'...

    Indispensable.
   
Bernard Sellier