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L'effet papillon,
        (The butterfly effect),         2004, 
 
de : Eric Bress & J. Mackye Gruber, 
 
  avec : Ashton Kutcher, Melora Walters, Amy Smart, Elden Henson, William Lee Scott,
 
Musique : Michael Suby

   
   
Evan Treborn (Logan Lerman, puis John Patrick Amedori puis Ashton Kutcher) est un garçonnet apparemment comme les autres. Il a pour amis le gros Lenny (Jake Kaese), Tommy (William Lee Scott) et sa soeur Kalley (Amy Smart). Mais l'apparence est trompeuse. Evan est en fait sujet à de graves crises d'amnésie. D'ailleurs, il a de qui tenir, puisque son père, Jason (Callum Keith Rennie) est enfermé dans un asile psychiatrique. Un jour, les quatre enfants, sous l'impulsion de Tommy, s'amusent à déposer une cartouche de dynamite dans la boîte aux lettres d'une voisine. Evan retrouve ses esprits dans la forêt et a tout oublié. Quant à Lenny, il est gravement perturbé psychologiquement et enfermé. Devenu adulte, Evan cherche à retrouver les souvenirs absents en se replongeant dans les notes minutieuses prises régulièrement et surtout grâce à une faculté extraordinaire de replonger dans le passé... 
 
   Cette histoire assez abracadabrante a pour fondements quelques uns des sujets les plus passionnants et, par la même occasion, les plus controversés philosophiquement, qui soient, à savoir : le libre-arbitre de l'homme, la conséquence karmique de ses choix et la culpabilité. Le "karma", qui signifie "action", est en réalité la correspondance orientale de la parole du Christ : "tu récolteras ce que tu as semé". Dans notre univers dualiste, toute action est inéluctablement suivie d'un effet qui devient à son tour cause pour un effet niveau 2 etc... Et le drame du dit univers est bien évidemment que l'inconscience et l'ignorance de l'homme fait qu'il lui faut constater les conséquences négatives pour, éventuellement, ne plus reproduire la cause originelle de la catastrophe. En revanche, le temps s'écoulant de façon linéaire, impossible de revenir en arrière. Ce qui serait pourtant bien pratique ! 
 
   Depuis quelques décennies, les conceptions physiques de l'univers ont grandement évolué. Nous avons déjà, à plusieurs reprises, mentionné les travaux passionnants de Karl Pribram et de Régis Dutheil sur la probabilité d'un univers holographique qui aurait pour corollaire et source, une "matrice" où le tout (espace et temps que nous connaissons) serait contenu en germe et prêt à se manifester suivant diverses directions ou expressions, suivant la théorie des transformations de Fourier ("L'univers est un hologramme" de Michael Talbot et "L'homme superlumineux" de Régis Dutheil). D'où la possibilité d'univers parallèles et, normalement, non communicants, dans lesquels les événements se dérouleraient de manière différente. Parfois, accidentellement, il pourrait y avoir interférence entre ces diverses "octaves" de manifestation. C'est ce qui est très bien expliqué dans le chapitre intitulé : le bossu d'Amsterdam ("Rencontres avec l'insolite" de Raymond Bernard).  
 
   Revenons-en au film. Le sujet a été traité de multiples fois. Il peut l'être de façon ludique et divertissante, comme dans la trilogie "Retour vers le futur". Ici, les scénaristes ont choisi le sérieux, la tragédie. Pendant une bonne partie de l'histoire, le spectateur ne sait pas trop vers quoi on le dirige. Il n'est pas difficile de deviner ce qui s'est réellement passé, mais la voie d'issue est imprécise. Puis tout se décante et la seconde partie est consacrée aux tentatives pour le moins hasardeuses du héros pour corriger l'erreur primitive. Mais, bien évidemment, comme tout explorateur de l'inconnu, il se heurte à des conséquences qui ne sont pas forcément meilleures que la première née. L'ensemble est livré de manière brute, sans explications, sans réflexions particulières. Seule compte la relation des faits. Dans cette optique, la réussite est assez remarquable. Les acteurs, inconnus, au premier rang desquels brille Ashton Kutcher, sont convaincants. On ne peut pas dire que les diverses options soient follement originales, mais l'ensemble tient la route et réserve quelques bons moments d'angoisse. Cela dit, un étrange phénomène se passe à mesure que le temps passe. Vingt quatre heures après la vision du film, ne demeure qu'une sorte de magma indifférencié duquel émergent difficilement quelques images fortes. Comme si la prédominance accordée à l'aspect extérieur, formel, répétitif, avait gommé toute l'émotion qui devrait jaillir de ce qui est, tout de même, une histoire d'amour tragique, et perdurer longtemps après la vision du mot "fin". Tel n'est pas le cas et il est tout de même fort dommage que la froideur distanciée du mécanisme narratif gèle la flamme fondamentale. 
 
   Reste une construction scénaristique intéressante et un sujet passionnant habilement traité.
   
Bernard Sellier