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Effroyables jardins,
        2003, 
 
de : Jean  Becker, 
 
  avec : Jacques Villeret, André Dussollier, Thierry Lhermitte, Benoît Magimel, Suzanne Flon, Isabelle Candelier,
 
Musique : Zbigniew Preisner

 
   
Nous sommes au début des années soixante. Lors d'une kermesse dans le village qu'il habite, Jacques Pouzay (Jacques Villeret) donne, comme à l'accoutumée, un spectacle de clown amateur. Les habitants apprécient, contrairement au jeune Lucien (Damien Jouillerot), son fils, qui trouve cette pantalonnade ridicule. Un ami de son père, André Designy (André Dussollier), navré de son attitude, décide de lui expliquer la raison de cette passion étrange. Peu après le débarquement allié en 1944, Jacques et André, dans un coup de folie exubérante, décident de participer , à leur modeste niveau, à la libération de la France. Leur objectif : détruire le poste d'aiguillage voisin. Malheureusement le cheminot chargé de son fonctionnement, Felix Gerbier (Victor Garrivier) est grièvement blessé et les Allemands s'emparent de quatre otages avec menace de les exécuter si les coupables ne se dénoncent pas... 
 
   Voilà ce que certains appellent du cinéma tranquille, pépère pour ne pas dire pantouflard. A partir d'un fait horrible, le réalisateur (car le roman est, paraît-il, beaucoup plus intense et poignant) a concocté une histoire gentillette, sympathique, bourrée de bonnes qualités françaises, entre dialogues efficaces, psychologie sommaire mais suffisante pour rendre les personnages savoureux, et acteurs charismatiques. Loin d'entrer dans le monde souterrain des résistants "authentiques" de "L'armée des ombres" (Jean-Pierre Melville), nous observons ici, avec une angoisse souvent désagrégée par un humour bon enfant, le monde des sans grades, des personnages falots, des témoins craintifs, qui attendent que l'orage passe sans se mouiller. Cela ne signifie pas que l'intérêt soit totalement absent. Ces êtres simples, timides, qui flirtent parfois avec la lâcheté, cachent une tendresse émouvante sous leurs dehors tièdes. Il y a les tragédies intenses, les destins exceptionnels qui, à l'occasion d'événements majeurs, métamorphosent un humain ordinaire en héros digne d'Homère. Jacques et André ne sont pas de cette trempe-là, mais leur modeste quotidien, s'il ne fait pas vibrer notre coeur au diapason du sublime, n'en est pas moins proche de nous. Le personnage de Louise (Isabelle Candelier rayonnante et lumineuse) rend à la fois crédible et dérisoire ce geste de matamores infantiles. A l'image de ses "héros" médiocres, le film adopte un ton badin, tandis que la mise en scène, des plus classiques, semble appartenir à une époque révolue. Finalement, l'émotion principale naît bien davantage de la vision d'un Jacques Villeret discourant sur la mort quelques mois avant son décès, que de la trame scénaristique dont l'aspect bonhomme frôle souvent la fadeur...
   
Bernard Sellier