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Ennemi d'état,
     (Enemy of the state),      1998, 
 
de : Tony  Scott, 
 
  avec : Will Smith, Gene Hackman, Jon Voight, Lisa Bonet, Stuart Wilson, James LeGros, Ian Hart, Gabriel Byrne, Loren Dean, Jason Robarts,
 
Musique : Trevor Rabin, Harry Gregson Williams


   
Robert Clayton Dean (Will Smith) est avocat. Marié à Carla (Regina King), et père de deux enfants, il mène une vie tranquille, même s'il entretient, en secret, des relations purement professionnelles, avec son ancienne maîtresse, Rachel Banks (Lisa Bonet). Son chemin croise un jour, fortuitement, celui d'un ancien camarade, Daniel Leon Zavitz (Jason Lee), poursuivi par les services secrets. Daniel, qui trouve la mort peu après, a eu le temps de glisser subrepticement un disque dur dans les sacs de Dean. Y est enregistré l'assassinat ordonné par Thomas Brian Reynolds (Jon Voight), du député Phillip Hammersley (Jason Robarts), officiellement mort d'une crise cardiaque. Ayant à sa disposition les moyens les plus modernes de surveillance, Reynolds se rend compte que Dean a reçu l'enregistrement sans le savoir. Dès lors, il entreprend de discréditer totalement la vie de l'avocat et de retrouver coûte que coûte le disque... 
 
   Sur un thème simple (un homme détient une preuve que le coupable désire récupérer) et un canevas tout aussi rudimentaire (la proie inconsciente tente d'échapper à ses poursuivants), Tony Scott construit un film dont la valeur globale est infiniment supérieure à la somme de ces deux éléments. Avec une énergie débordante (à côté, "Spy game" ressemble à un petit film bien pépère !), un montage au hachoir, une continuité harassante dans la turbulence, il parvient, pendant les quatre-vingt dix premières minutes, à scotcher le spectateur sur son siège et à l'amener au bord de la suffocation ! Grâce à un mélange savamment dosé de courses poursuites classiques et de matériel électronique pisteur, l'envoûtement immédiat qui naît de l'amoncellement efface totalement l'arbitraire des situations et la compression temporelle des événements. La raison est débranchée, seul le coeur et les nerfs palpitent, trépident, au rythme de cette captation absolue de la vie d'un humain, devenu clignotement sur une multitude d'écrans. La conjonction, en quelques dizaines de minutes, des moyens techniques les plus sophistiqués (micros, caméras, relais satellitaire, localisation et suivi dans les rues comme à l'intérieur des bâtiments...), provoque le vertige et nous donne l'impression d'un écrasement inéluctable. Et dire que nous ne sommes qu'au début de cette révolution ! Le virage vers une phase moins agitée se fait habilement et le dénouement, bien que regagnant le domaine traditionnel des tirs tous azimuts, ne manque ni de logique ni d'efficacité. Will Smith, orienté au commencement vers une réplique douce d'un "Bad Boy" policé, évolue naturellement au fil de ses prises de conscience, et son face à face avec le personnage mystérieux de Edward 'Brill' Lyle (Gene Hackman) offre un contraste assez piquant. 
 
   Ce n'est pas d'une subtilité folle, assurément. Mais il est indéniable que l'efficacité est au rendez-vous à 100%, le rythme à 120%, et que l'ensemble est fascinant. Sans compter que, lorsque l'ouragan est passé, que le taux d'adrénaline est revenu à des niveaux normaux, peut s'amorcer une utile réflexion sur le degré d'autonomie concédable à l'homme, les délicates limites entre protection de la population et atteinte intolérable à la vie privée, ainsi que sur les dangers de la main mise occulte de l'état (ou de tout autre groupe détenant le pouvoir) sur les libertés individuelles. De quoi faire réfléchir dans les chaumières...
   
Bernard Sellier