Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Equus,
      1977, 
 
de : Sidney  Lumet, 
 
  avec : Richard Burton, Colin Blakely, Peter Firth, Joan Plowright, Harry Andrews, Jenny Agutter,
 
Musique : Richard Rodney Bennett


   
Lire le poème (CinéRime) correspondant : ' Centaure '

   
Martin Dysart (Richard Burton) est psychiatre. Son amie Hesther Saloman (Eileen Atkins) lui demande un jour de venir en aide à un jeune homme, Alan Strang (Peter Firth), qui a crevé les yeux de six chevaux dont il s'occupait dans le hara de Harry Dalton (Harry Andrews). D'abord réticent, Martin accepte. Il interroge les parents d'Alan, sa mère Dora (Joan Plowright), assoiffée de religion, son père Frank (Colin Blakely), et l'adolescent. Petit à petit vont se dessiner les motivations profondes de ce geste horrible... 
 
  Oeuvre difficile d'accès, mais combien enthousiasmante ! Difficile par le sujet en lui-même ; ensuite par le traitement psychanalytique qui en est fait : on parle énormément et, il faut le dire, de manière souvent nébuleuse, pour ne pas dire ésotérique ; par le symbolisme a-priori aride qui sous-tend toute l'histoire. Mais, à la sortie, quelle merveille ! Ce face à face entre deux acteurs qui arrachent de leurs tripes la violence qui y dort, le désespoir qui les ronge, est proprement fascinant. Et que dire de ce sujet, qui part d'un simple acte pathologique, délirant et incompréhensible, pour s'élever progressivement vers une remise en question des certitudes, de la "normalité", pour accéder à une expérience d'union mystique entre l'homme et son Dieu.  
 
   Désespérance de l'humain enchaîné, analogie avec le cheval-esclave, quête de l'unité primordiale perdue, culpabilisation due à la notion de péché originel, ravages des dogmes mal assimilés, accession à l'orgasme-extase cosmique, union panthéiste... Tous ces aspects visionnaires, éclatés, de la vie universelle trouvent dans ce film génial une sorte de synthèse existentielle qui mêle le bien et le mal en un tissu unique et ensorcelant. Et, au milieu de scènes d'une violence et d'une audace exceptionnelles, s'enchâssent des évocations à la poésie envoûtante (la scène nocturne d'Alan chevauchant nu sur son cheval). 
 
   Un chef-d'oeuvre, embrasé par la performance d'acteur hors du commun de Peter Firth, et dont les images restent gravées de façon indélébile dans la mémoire intérieure de l'âme. 
 
   Pour l'anecdote, on peut établir une comparaison avec le film de Jeremy Leven "Don Juan de Marco", qui présente avec celui-ci une analogie importante : la remise en question des certitudes et du parcours de vie d'un psychiatre par son "patient". C'est dans la confrontation de ces deux parcours parallèles que l'on peut mesurer l'abîme qui sépare un bon ouvrage livrant une honnête, poétique et intéressante étude ("Don Juan") d'une réalisation fabuleuse offrant une dissection à vif des profondeurs humaines.
   
Bernard Sellier