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Une femme de ménage,
        2002, 
 
de : Claude  Berri, 
 
  avec : Jean-Pierre Bacri, Emilie Dequenne, Brigitte Catillon, Axelle Abadie, Catherine Breillat, Jacques Frantz,
 
Musique : Frédéric Botton

   
   
Depuis le départ de Constance (Catherine Breillat), Jacques (Jean-Pierre Bacri) se traîne entre son boulot de technicien du son et son appartement du 6ème, qui est devenu un véritable foutoir. Il répond à la petite annonce d'une femme de ménage. Laura (Emilie Dequenne) se présente et se voit illico engagée, bien qu'elle n'ait aucune expérience dans ce domaine. Au bout de quelques semaines, elle se sépare de son petit ami et, n'ayant plus de domicile, demande à Jacques s'il ne pourrait pas la loger... 
 
   Depuis "La débandade" (1999), Claude Berri semble tourner son inspiration vers les relations sentimentalo-sexuelles entre jeunes et "moins jeunes". Certes Jean-Pierre Bacri n'approche pas encore les soixante-dix ans du réalisateur. Mais il faut reconnaître que son visage et sa personne, qui semblent toujours supporter l'ensemble de la misère du monde, lui octroient facilement deux bonnes décennies supplémentaires. C'est d'ailleurs cette marque indélébile de comportement, mixage d'ironie froide, de désespoir glacé et de pessimisme outré, qui fait tout le charme de Bacri personnage-acteur. Face à lui, une adolescente d'aujourd'hui, banale, relativement attachante, malgré son inconscience juvénile, qui tâtonne, expérimente, butine de ci de là, en quête d'équilibre et de plénitude. Cette mise en contact de deux tempéraments opposés par l'âge, les habitudes, l'apprentissage de la vie, constitue le principal attrait du film, et malheureusement le seul. 
 
   Pour ce qui est du contenu, les choses se gâtent singulièrement. L'ensemble fait tristement penser à un électrocardiogramme plat. Une suite de petites saynètes quotidiennes : Bacri achetant sa baguette, Bacri prenant le métro ; Bacri déjeunant avec son amie Claire ; Bacri mettant ses boules quies pour dormir... Lorsque intervient Laura, on peut espérer qu'une flamme va s'éveiller, que le scénario va s'extraire de la routine pour s'envoler. Mais, hormis Bacri et sa femme de ménage au lit (et encore !), rien ne se passe. Tout demeure désespérément plat, comme si la narration survolait l'émotion, refusant de s'impliquer dans une incarnation extravertie. Claude Berri ne semble même pas avoir envie d'exploiter tout le potentiel qui pourrait naître de cette opposition radicale de deux personnalités à des années-lumière l'une de l'autre. Juste deux ou trois petits instants d'agacement, entre musique rap et jeux télévisés débiles.  
 
   L'histoire est mince, mais il existe de nombreux exemples qui prouvent brillamment que la ténuité n'est pas un obstacle à l'intensité affective et à la densité psychologique. Il suffit de regarder le simple et magnifique "Se souvenir des belles choses", à l'intrigue on ne peut plus gracile, pour s'en convaincre. La platitude qui se dégage ici de l'ensemble, tient surtout à cet étalement uniforme d'une mer de rapports humains sans vagues, sans remous autres qu'un froncement de sourcils ou un rictus affligé, à une suite de dialogues sans vie et à une conclusion aussi inhabitée que le reste du film.
   
Bernard Sellier