La fille de Brest, film de Emmanuelle Bercot, commentaire

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La fille de Brest,
      2016, 
 
de : Emmanuelle  Bercot, 
 
  avec : Sidse Babett Knudsen, Benoît Magimel, Philippe Uchan, Gustave Kervern, Charlotte Laemmel, Lara Neumann,
 
Musique : Martin Wheeler

   
   
Avril 2009. Une jeune pneumologue du CHU de Brest, Irène Frachon (Sidse Babett Knudsen) croit entrevoir chez certains malades atteints de valvulopathies parfois fatales, une responsabilité directe du Mediator, l'un des médicaments phares du second laboratoire français, Servier. Elle alerte ses collègues et entreprend une étude locale minimaliste avec l'aide d'Antoine le Bihan (Benoît Magimel). Mais la première tentative de se faire entendre auprès de l'AFSSAPS régionale se solde par une ridiculisation de son travail... 
 
   Tout le monde connaît maintenant ce scandale de santé publique qui, à ce jour d'août 2020, n'a toujours pas connu d'issue judiciaire alors que le procès, commencé le 23 septembre 2019, auraît dû se terminer en avril 2020. Il concerne tous les Français, puisqu'a été mis en cause également, le service de sécurité et de surveillance sanitaire, et je me sens d'autant plus touché par ce drame que, durant mes vingt-trois ans d'exercice en pharmacie, ce sont des milliers de boites d'Isoméride et de Médiator que j'ai distribuées. L'auto-publicité que s'était fabriquée le laboratoire au fil des ans était tellement solide, que même les représentants des laboratoires concurrents (Sauba, Monot, Fournier...) reconnaissaient que Servier était un modèle absolu de rigueur et de qualité ! 
 
   Emmanuelle Bercot, directement inspirée par le livre d'Irène Frachon, a bien sûr choisi la voie d'un combat virulent pour dénoncer les mensonges du laboratoire et le danger mortel que ceux-ci ont fait courir à d'innombrables patients. Alors, certes, on peut, comme Fabien Reyre dans sa cirtique incendiaire parue sur Critikat, dénoncer ou ridiculiser les partis-pris parfois excessifs de la réalisatrice. Mais, sur une affaire aussi documentée, relatée par la lanceuse d'alerte elle-même, et devant les dénis éhontés des responsables du laboratoire, aurait-on pu se satis faire d'une chronique analytique tiède ? N'avait-on pas besoin, justement, d'une approche coup de poing, rageuse, qui, grâce à quelques artifices, met en exergue d'une manière synthétique et juste les abîmes qui séparent les incalculables puissances et soutiens universitaires d'un laboratoire ultra puissant, de l'insignifiance méprisée d'un service hospitalier provincial. Sans oublier les risques de radiation du Conseil de l'Ordre ou d'enterrement professionnel, qui menacent les lanceurs d'alerte s'ils ne parviennent pas à faire remonter leur étude à un niveau suffisamment haut. 
 
   Plusieurs commentaires ont bien sûr mis en parallèle cette oeuvre avec le célèbre "Erin Brockovich" de Steven Soderbergh. Non seulement "La fille de Brest" n'a pas à rougir de cette comparaison, mais, grâce en grande partie à l'incarnation volcanique, entêtée, sensible, de Sidse Babett Knudsen, elle nous offre un indispensable et captivant pamphlet dénonciateur de la corruption, capable, à plusieurs reprises de soulever une houle d'enthousiasme. 

   Notons cependant un détail secondaire mais gênant : comme beaucoup de films français, les dialogues sont parfois difficilement perceptibles. Sidse Babett Knudsen possède un accent qui, dans certains élans colériques, rend des morceaux de phrase incompréhensibles. Quant à Benoît Magimel, un déficit d'articulation fait perdre parfois des portions de ses répliques.
   
Bernard Sellier