Les Filous, (Tin Men), film de Barry Levinson, commentaire

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Les filous,
      (Tin men),       1987, 
 
de : Barry  Levinson, 
 
  avec : Richard Dreyfuss, Danny DeVito, Barbara Hershey, Seymour Cassel, John Mahoney, J.T.Walsh,
 
Musique : Fine Youngs, Cannibal

   
   
Nous sommes à Baltimore en 1963. Bill 'BB' Babowsky (Richard Dreyfuss) et Ernest Tilley (Danny DeVito) sont tous deux représentants pour une société productrice de panneaux d'aluminium pour villas. Ils ne se connaissent pas, mais usent des mêmes méthodes d'arnaque afin de pousser les propriétaires à acheter leurs produits. Lorsqu'ils se rencontrent, c'est à l'occasion d'un léger accrochage de leurs véhicules. Ce qui n'aurait pu être qu'un événement bénin tourne rapidement au vinaigre. Chacun jure de faire payer à l'autre sa faute. L'engrenage est en marche... 
 
   Un des premiers films de Barry Levinson, deux ans après le sympathique "Secret de la Pyramide". Etant capable de produire du bon ("Sleepers", "Good morning, Vietnam") comme de l'affligeant ("Sphère"), il était à craindre que son association avec l'excité Danny DeVito (qui allait diriger, deux ans plus tard, "La Guerre des Rose"), ne donne naissance à une grosse pochade, dans laquelle les séquences rivaliseraient de rusticité ou de clinquant. Le résultat prouve que les a-priori sont souvent déplacés ! 
 
   Non seulement l'évolution de l'histoire ne prend pas cette direction attendue, mais encore elle se pare d'une intelligence certaine et d'une sobriété inattendue, tout en réservant des péripéties inattendues. Les quelques agressions se révèlent discrètes, tandis que le petit monde entourant les deux énergumènes, loin de s'effacer devant la rivalité des protagonistes, compose un écrin tout à fait vivant, allant jusqu'à insérer l'aventure individuelle dans un contexte social et historique intéressant. Commissions d'enquêtes sur les magouilles des vendeurs, dénonciations, espionnage, tout cela évoque une "chasse aux sorcières" Mac Carthyste qui n'était pas si éloignée que cela. Les personnages ne sont jamais des marionnettes. Le réalisateur choisit ici un processus inverse de celui qu'adoptera Danny DeVito lorsqu'il orchestrera, avec sadisme, le duel Michael Douglas-Kathleen Turner. Ceux-ci, beaux, intelligents, charmeurs, à l'origine, se métamorphoseront rapidement en deux monstres aussi vénéneux que stupides. Dans le cas présent, BB et Ernest, également abrutis et pugnaces au commencement de l'aventure, vont progressivement laisser apparaître une humanité attachante, une fragilité sincère, générant chez le spectateur une sympathie réelle. Le personnage de Nora (Barbara Hershey), loin de n'être qu'un prétexte à une exacerbation de la haine des mâles, est, à ce point de vue, parfaitement représentatif du style adopté. Elle incarne la note de romantisme et de sensibilité capable d'infléchir la courbe ascendante d'agressivité des hommes qui l'entourent.  
 
   Si l'on ne peut que se montrer heureux du fait que la narration quitte rapidement le primaire, le basique, pour transformer des hommes-caricatures en individualités attractives, il est regrettable qu'un réel manque de mordant se fasse parfois sentir. Sans tomber dans l'énorme ou le grotesque, l'histoire aurait tout de même pu développer les promesses initiées au départ, à savoir assaisonner dun piment subtil de plus en plus fort cette adversité spontanée. En fait, il n'en est rien, et le dénouement, assez prévisible, ne contribue pas à élever vers un sommet attendu le niveau gustatif de l'ensemble. C'est dommage, car globalement, l'entreprise est relativement savoureuse.
   
Bernard Sellier