Les Fils de l'Homme, film de Alfonso Cuaron, commentaire

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Les fils de l'homme,
        (Children of men),      2006, 
 
de : Alfonso  Cuaron, 
 
  avec : Clive Owen, Julianne Moore, Chiwetel Ejiofor, Michael Caine, Paul Sharma, Joy Richardson, Caroline Lena Olsson,
 
Musique : John Tavener

 
   
2027. Toutes les grandes métropoles du monde sont plongées dans le chaos. A Londres, l'armée est partout présente dans les rues et mène une chasse implacable aux clandestins. Les attentats se multiplient. Une nouvelle bouleverse un jour la planète : Diego, 18 ans, vient de mourir. Sa caractéristique était d'être le plus jeune habitant de la terre ! Car, depuis 2009, la stérilité a frappé toutes les femmes, sans que les scientifiques en comprennent la cause. Theo Faron (Clive Owen) est un jour enlevé par un groupe "terroriste". Quelle n'est pas sa stupéfaction de reconnaître, en la personne de la responsable, son ancienne compagne, Julian (Julianne Moore). Elle lui demande d'user de ses relations avec Nigel (Danny Huston), afin d'obtenir un laissez-passer pour une mystérieuse jeune clandestine... 
 
   Un ciel couleur de plomb, un soleil qui pointe aux abonnés absents, une ville devenue une gigantesque poubelle,des étrangers parqués comme des animaux dans des cages grillagées, des soldats accompagnés de molosses prêts à dévorer tous les humains qui passent à portée de leurs crocs... Non, ce n'est pas le ghetto de Varsovie, mais la cité londonienne dans moins de deux décennies ! Dès les premières minutes du film, le réalisme est impressionnant. Loin des déserts ensoleillés d'Australie, dans lesquels "Mad Max" menait la chasse aux dégénérés d'après apocalypse, ou du futur aseptisé de "Bienvenue à Gattaca", le spectateur est plongé, d'emblée, dans l'apocalypse elle-même. Les rues sont celles que nous fréquentons chaque jour. Les visages hagards des gens sont ceux que nous croisons régulièrement. Les appels incessants à la délation et le parcage des indésirables nous rappelle de très sombres souvenirs pas très éloignés...  
 
   Dans un mélange de drame humain et de tragédie sociale planétaire, où l'intensité énergétique et l'urgence des situations le dispute à une maîtrise émotionnelle de tous les instants, l'atmosphère s'alourdit progressivement, jusqu'à virer au cauchemar absolu. Les enjeux et les motivations des différentes factions ne sont pas toujours très clairs, mais au coeur de cet univers en voie de désintégration complète, cette opacité devient presque opportune, renforçant encore, si besoin était, l'impression d'une plongée inéluctable vers une deshumanisation universelle. Pourtant, dans cette vision désespérée d'un monde crépusculaire agonisant, surgissent, fugitivement, de miraculeux instants de grâce (le soldat s'agenouillant devant le passage de Kee (Claire-Hope Ashitey)). Tout juste peut-on regretter qu'une grande partie du film fasse passer l'action, menée avec une tension exceptionnelle et un sens du rythme sans faille, avant le symbolisme profond qui est au coeur du scénario. Malgré cela, une oeuvre majeure dont les images obsédantes s'impriment durablement, et dont le dénouement, d'une sobriété extrême, est un modèle d'émotion maîtrisée.
   
Bernard Sellier