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Gangs of New York,
        2002, 
 
de : Martin  Scorcese, 
 
  avec : Leonardo DiCaprio, Daniel Day-Lewis, Cameron Diaz, Jim Broadbent, Henry Thomas, Liam Neeson, Brendan Gleeson,
 
Musique : Bono, Peter Gabriel, Howard Shore, Adam Clayton...

   
   
1846, New-York. Une sanglante bataille oppose les Irlandais dirigés par le prêtre Vallon (Liam Neeson) et la bande des "Natifs", avec à sa tête William Cutting, dit "le boucher" (Daniel Day-Lewis). Vallon est tué par son ennemi et son fils, Amsterdam, assiste à sa mort. Seize ans plus tard, le jeune homme quitte le centre de redressement où il a été élevé, retrouve les rues de la ville ainsi que son ancien ami Johnny Sirocco (Henry Thomas). Il fait la connaissance d'une jolie pickpoket, Jenny Everdeane (Cameron Diaz). William, plus puissant que jamais, prend Amsterdam sous son aile... 
 
   D'emblée, par une qualité de reconstitution exceptionnelle, nous sommes plongés dans le monde du dix-neuvième siècle comme si nous y étions implantés par le miracle d'une brusque remontée dans le temps. Et, malheureusement, l'arrivée dans cet univers proto-américain se fait au milieu d'une boucherie qui nous catapulte carrément dans les heures les plus sombres de la sauvagerie moyenâgeuse. On s'y découpe, étripe, à coups de couteau, de hache ou de gourdin. Avec la caution de Dieu, bien évidemment !  
 
   Drame de la vengeance d'un fils, fresque historique d'une page bien peu connue, et encore moins glorieuse, de la fondation des Etats-Unis, description sociologique des gangs de toutes couleurs, croyances, qui tentaient, par la violence, bien sûr, de faire leur place sur cette nouvelle terre, description de la difficile et laborieuse construction politique et démocratique du pays. Ce film est tout cela, avec des fulgurances visuelles inoubliables, la fête de la commémoration du combat où le prêtre Vallon avait trouvé la mort, la vie quotidienne aux "five points", et cette fin apocalyptique où la ville entière semble sombrer dans une folie meurtrière aberrante. Une indéniable puissance évocatrice, assourdissante, violente, comme les aime Martin Scorcese, visuellement superbe dans l'horreur comme dans la fête ou la simple vie quotidienne. Une interprétation dominée de très loin par l'incarnation imposante, impressionnante de Daniel Day-Lewis, méconnaissable, distillant une permanente angoisse horrifique dans ses tenues bariolées et ses pantalons rayés ou à carreaux. Un Leonardo DiCaprio judicieusement choisi pour entrer dans cette personnalité à la fois fragile et puissante.  
 
   Toutes les qualités objectives sont réunies pour faire de cette oeuvre une épopée somptueuse, grandiose et profondément humaine. Pourtant, je l'avoue, elle m'a laissé, je ne dirai pas indifférent, le mot serait un peu fort, mais comme extérieur à cette tragédie individuelle et collective où la barbarie, à cause sans doute de ses excès, d'une fascination quasiment hypnotique que semble vouloir nous imposer le réalisateur, devient une sorte de muraille interdisant ce monde composé d'individus tous plus fous, fanatiques, stupides, sauvages et inhumains les uns que les autres à la quelconque compassion d'un observateur sensé. Là où Sergio Leone réussissait parfaitement, à mon sens, dans "Il était une fois en Amérique", à intégrer au personnage central de "Noodles" une intensité émotionnelle profonde, une vie intérieure évolutive qui touchait le spectateur au plus profond de sa sensibilité, Scorcese ne nous livre que des caricatures sculpturalement superbes, scénaristiquement impeccables, mais dénuées de vie intérieure. Et, malgré sa perfection formelle, la présence de Daniel Day-Lewis qui est pour moi, avec Edward Norton et Sean Penn un des géants de l'interprétation, et son intérêt documentaire indéniables, ce film est le type même de ceux que je n'éprouverai que bien rarement l'envie de revoir.
   
Bernard Sellier